Apparu en Chine en décembre 2019, le Coronavirus a considérablement changé la marche du monde. Beaucoup d’habitudes et de normes ont été perturbées par ce virus qui n’a pas encore fini de faire parler de lui. En Afrique, son incidence a été moindre et les nombres de cas enregistrés n’ont pas égalé le tsunami européen ou américain. À quoi cela est-il dû ? Les scientifiques cherchent des réponses et n’ont pas encore une explication définitive.
Il faut au préalable savoir que le coronavirus est l’une de ces maladies émergentes ou réémergentes qui rythment le quotidien du continent africain depuis les années 50 comme l’illustre une étude du Professeur Souleymane Mboup intitulée « Pandémie Covid-19 : leçons apprises ». Le Chikungunya est apparu en Ouganda en 1952, suivi de Zika qui s’est signalé en Ouganda dix ans après. Ça ne s’est pas arrêté jusqu’au coronavirus qui fait son apparition sur le continent vers février 2020. En Août 2020, l’Afrique recensait 1,267 656 contaminations pour 30 294 décès.
Cette évolution épidémiologique n’inquiétait pas beaucoup de personnes sur le continent d’autant que la maladie semblait avancer à un rythme moins grave en Afrique que dans les pays du nord. Ce que certains ont voulu expliquer par l’âge. Il a été constaté, selon le professeur Mboup, que le nombre de décès enregistrés en Afrique était 40 fois plus bas que le reste du monde. Ensuite, le facteur génétique s’est invité au débat mais n’a pas résisté à un fait. Aux États-Unis, les afro-américains « plus proches des africains » sont « proportionnellement les plus touchés, écartant cette hypothèse de facteurs génétiques », fait remarquer le Professeur Souleymane Mboup. Ce facteur mis hors de cause, un autre est étudié. Il s’agit de « la différence considérable dans les rapports à l’environnement entre l’Afrique, l’Europe et les États-Unis ». À ce niveau, il sera question de chercher à savoir si le système immunitaire est façonné par les facteurs environnementaux, c’est-à-dire le temps et degré d’exposition aux micro-organismes et aux parasites.
Ensuite, les hypothèses hygiéniques sont étudiées, à savoir l’exposition permanente aux environnements hostiles. Le but recherché est de savoir si cela provoque la reprogrammation des cellules innées ou procure une réponse « mémoire virtuelle ». Mais l’hypothèse la plus plausible est que « l’exposition plus élevée aux pathogènes en Afrique pourrait vraisemblablement contribuer au contrôle du SARS-COV-2 ». Les études sont toujours en cours pour comprendre pourquoi l’Afrique est moins exposée.
Et si le secret se trouvait dans la gestion de la pandémie. Le cas du Sénégal est intéressant. Dès la détection du 1er cas en février 2020, l’étude lue à Dakaractu rapporte qu’une réponse inspirée de la riposte contre la fièvre hémorragique à virus Ebola a été mise en place. Les cas suspects sont isolés, testés et pris en charge. Les responsables de la prise en charge médicale jettent leur dévolu sur l’hydroxychloroquine et l’azithromycine qui donnent des résultats satisfaisants même si des innovations scientifiques en thérapeutique ont fait leur apparition à l’image de Merck ou le Molnupiravir, un antiviral qui réduit le risque d’hospitalisation ou de décès.
Pour amoindrir les risques de contamination, décision a été prise d’interdire les rapatriements de corps.
À cela s’est ajouté une série de mesures étatiques dont la plus marquante est l’instauration d’un état d’urgence sanitaire. Une enquête de K SOW a montré que les populations ont adhéré à ces restrictions et aux gestes barrières. Selon ladite investigation, 94,4% des enquêtes affirment avoir réduit les visites alors qu’ils sont 99,4% à se laver les mains le plus souvent.
Toujours selon cette enquête citée dans la présentation du Professeur Souleymane Mboup, 95,4% évitent de serrer la main et les accolades tandis que la fréquentation des lieux de culte connaît une baisse avec 89,9% de fidèles qui ont décidé de ne plus y aller le temps que la tempête s’estompe.
Mais ça, c’est avant le mois de mai 2020 et le début des contestations. Les autorités qui ont pourtant essayé d’accompagner les familles impactées en leur dotant de vivres décident d’assouplir les restrictions. Le couvre-feu qui accompagnait l’état d’urgence est réduit mais une résurgence de la maladie est vite constatée. En septembre, le nombre de dépistés baisse.
Février 2021 inaugure l’ère d’une nouvelle stratégie avec la prise en charge à domicile des cas asymptomatiques. Le même mois, le Sénégal démarre sa campagne de vaccination avec Sinopharm. Une campagne qui n’empêche pas la survenance d’une troisième vague qui a duré moins de deux mois mais durant laquelle plus de 27 000 cas ont été recensés. Dans la même période, 459 personnes sont déclarées mortes de la Covid-19 au Sénégal, soit une moyenne de 9 décès par jour. Cette augmentation exponentielle est causée par le variant Delta détecté en Inde et qui devient la souche dominante dans le monde. Les laboratoires impliqués dans le dépistage devaient à cet instant s’adapter en s’équipant en conséquence. À l’Institut de recherche, de surveillance épidémiologique et de formation (Iressef), on s’est organisé pour faire face à ce nouveau défi pour réaliser au minimum 1000 séquences par semaine. Quelles leçons avons-nous tiré de cette maladie ?
À la lecture du document présenté par le professeur Mboup, on est tenté de reconnaître que l’Afrique a marqué des points. En témoignent les efforts faits pour dépister le maximum de personnes à travers le Partenariat pour accélérer le dépistage de la Covid-19 en Afrique (PACT). Plus de deux millions de tests ont été effectués deux mois avant la date cible, indique le Professeur Mboup qui rappelle que la moitié des tests ont été facilités par le CDC Afrique. Il a été mis en ligne un marché en ligne pour permettre la fourniture d’équipements médicaux essentiels liés à la Covid-19 en Afrique. En revanche, d’énormes efforts restent à faire dans le cadre de la vaccination. Sur son objectif de vacciner au moins 900 millions de personnes, représentant 70% de la population, le continent noir est loin du compte. Alors que le besoin de vaccin se fait pressant, l’Afrique ne produit que 1% même s’il est prévu que cette capacité passe à 60% d’ici 2040.
D’autres défis doivent être relevés. Le professeur Souleymane Mboup décèle un besoin urgent de repenser la santé en Afrique où moins de la moitié des États ont accès à des établissements de santé moderne. Il urge également de rehausser le budget alloué à la santé car actuellement moins de 10% du PIB est consacré aux soins de santé dans la plupart des pays africains. Un autre besoin qui ne doit plus attendre, c’est le recrutement du personnel de santé qui, pour l’heure, est à son niveau le plus bas. Par exemple, deux agents de santé doivent s’occuper de 1000 personnes en Afrique contre 25 aux Amériques.
En somme, le Professeur Mboup préconise un leadership fort, des réponses guidées par des avis scientifiques, l’établissement de systèmes performants de surveillance sans oublier la construction de centres de recherches et d’excellence internationalement compétitifs et d’unités de fabrication continentale de produits de sécurité sanitaire entre autres leviers pour faire face efficacement aux crises sanitaires.