A l’heure où l’OMS vient de recommander le déploiement général du premier vaccin contre le paludisme dans les zones à risques, une étude affirme qu’en Éthiopie, le parasite à l’origine de la pandémie a muté. Devenu indétectable aux marqueurs habituels des tests rapides, il rendrait moins efficace les campagnes de dépistage jusque-là essentielles pour juguler le fléau.
« Un moment historique ». Ce sont les mots prononcés mercredi 6 octobre 2021 par le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, pour annoncer son feu vert au déploiement massif du premier vaccin antipaludique chez les enfants vivant en Afrique subsaharienne et dans des zones à risque après le succès des programmes pilotes de vaccination au Ghana, au Kenya et au Malawi. Or, dans le même temps en Éthiopie le parasite Plasmodium falciparum – responsable de l’infection – se transmettant aux humains via les moustiques anophèles est en train de muter. Dans une étude publiée dans la revue scientifique britannique Nature Microbology, Jane Cunningham, chercheuse pour le Programme mondial de lutte contre le paludisme de l’OMS et coauteure de l’article, indique qu’elle et son équipe ont remarqué un phénomène curieux dans cette région de la Corne de l’Afrique. Dès l’année 2016, ils remarquent que certains enfants visiblement malades avaient été pourtant testés négatifs. Après examen de leur sang au microscope, les chercheurs ont découvert que la majorité des enfants en question avaient le paludisme. Après avoir pensé dans un premier temps que les tests étaient défectueux, une autre hypothèse a fait son apparition avant son exploration au cours de l’étude.
Changement de Paradigme
Selon les résultats, 80 % des parasites responsables du paludisme ont muté et ne produisent plus les deux protéines PfHRP2 et PfHRP2 que les tests rapides détectent habituellement. Alors que les chercheurs n’ont pas encore décrypté la fonction de ces protéines chez le parasite, la multiplication des tests aurait favorisé la prolifération des agents pathogènes n’affichant plus ces deux marqueurs essentiels. Cette évolution du parasite préoccupe, car une baisse d’efficacité de ces tests déployés depuis une quinzaine d’années dans la région pourrait représenter une menace majeure dans la lutte pour l’éradication de la maladie.
Dans de nombreux pays, il est nécessaire de bénéficier d’un test positif afin d’avoir droit à un traitement tout en sachant que les campagnes de dépistage ont été très efficientes dans le contrôle du paludisme, une maladie tuant chaque année environ 400 000 personnes dans le monde, dont 70 % sont des enfants de moins de cinq ans. Dans l’urgence, les régions les plus exposées au parasite mutant utilisent un autre type de tests, capables de détecter une autre protéine. Néanmoins, ces tests sont moins fiables que les précédents et résistent moins bien à la chaleur.
Enfin, généraliser la détection par observation au microscope est difficile à mettre en place. En effet, il faudrait déployer un matériel très coûteux et former de nombreux techniciens selon les auteurs de l’étude pour qui les stratégies de dépistage la maladie doivent être reconsidérées.
Bastien DAVID avec Sciencepost.fr