Deux mois après l’Appel de Dakar à réinventer la réponse à la pandémie au VIH lancé à l’occasion de la tenue à Diamniadio du Sommet régional de haut niveau sur le VIH Sida en Afrique de l’Ouest et du Centre, les jeunes ont donné de la voix lors de la célébration mercredi 1er décembre de la Journée mondiale de lutte contre le Sida.
Ce sont près de 300 jeunes qui se sont mobilisés à Dakar sous l’égide Conseil national de lutte contre le Sida (CNLS) pour marquer la 33e Journée mondiale de lutte contre le Sida avec un triptyque : mettre fin aux inégalité, mettre fin au Sida et enfin mettre fin aux pandémies. Réunis au siège du CNLS, ils ont animé et alimenté en échanges 4 panels avec en préambule, le Sida et moi : connaissances et attitudes des jeunes, suivi de la lutte contre la discrimination des jeunes, adolescents et enfants infectés ou affectés par le VIH. Au cours de la journée, ils ont poursuivi la discussion sur la manière de mettre fin aux inégalités autour d’un plaidoyer pour la campagne de mobilisation pour la prise en charge des enfants vivants avec le VIH avant de conclure celle-ci sur un engagement : une génération sans Sida, une promesse des jeunes du Sénégal. La jeunesse était ainsi placée comme porte-étendard d’une lutte où selon la rapporteuse des débats : « Il apparaît certain de revoir la communication sur le VIH en l’adaptant à la cible jeune, car si notre communication leur parle, ils pourront comprendre et agir. »
Mettre fin aux inégalités
A l’issue de ces travaux, un certain nombre de recommandations ont été formulées à l’endroit des autorités de tutelle. Partant du constat qu’il subsiste « un déficit dans la décentralisation de la prise en charge pour les enfants qui doivent parcourir de nombreux kilomètres pour prendre leur médicament associé au rejet de certains enfants par des parents qui pratiquent le déni », les jeunes se sont engagés à « sensibiliser leurs pairs sur l’importance du VIH et apporter un appui psychosocial aux personnes infectées par la maladie ». De même, ils prennent le pari « d‘inciter les autres jeunes à devenir eux-mêmes les acteurs du changement social pour une fin du VIH ». A cette fin, ils appellent les autorités en charge à « briser les tabous aussi bien à l’école qu’au sein des familles surtout s’agissant de l’éducation sexuelle des enfants ». Autre recommandation: « Instaurer un système de parrainage des enfants vivants avec le VIH ».
Lors de la clôture de cette journée de mobilisation, la secrétaire exécutive du CNLS, Dr Safiatou Thiam, est revenue sur les tenants et les aboutissants qui ont présidé celle-ci : « Au Sénégal, nous avons voulu axer notre communication sur comment mettre fin aux inégalités d’accès aux services de prévention et de prise en charge chez les jeunes. C’est pour cela que nous avons ces dernières semaines demandé à des jeunes de travailler à rencontrer d’autres jeunes des universités privés et autres écoles de formation pour proposer 4 panels d’échanges au cours desquels ils ont pu exprimer leurs recommandations. Nous avons compris qu’on devait les inclure dans les politiques qui les concerne en premier lieu. C’est donc cela l’innovation de cette journée qui a été préparée par des jeunes, pensée et voulue pour les jeunes ». Venu représenter le ministère de tutelle à travers la division de la lutte contre le Sida qu’il dirige au du ministère de la Santé et de l’action sociale (Msas), le Pr Cheikh Tidiane Ndour a rappelé l’urgence de l’heure : sur 3.900 enfants infectés par le virus, 1.400 seulement sont sous traitement.
Dépistage de la fratrie
Pire, selon l’infectiologue, « près de la moitié de ces enfants n’ont pas été dépistés et nous savons à peu près où il se trouve », a-t-il déclaré. Le médecin-colonel indique que ces enfants sont principalement dans les familles d’adultes infestés par le VIH. A partir de là, la stratégie mise en place par les autorités pour avoir accès à eux est celle du dépistage de la fratrie qui consiste « à dépister l’ensemble d’une famille malgré les stigmates et les discriminations qui entoure cette maladie ». Cette stigmatisation d’une maladie qui touche l’ensemble de la population à l’image de ces enfants qui naissant avec le VIH prend sa source dans la marginalisation des populations clés. Pour le Pr Cheikh Tidiane Ndour, la prise en charge de ces dernières ne doit pas être dissociée d’autres cibles car « ce sont des passerelles vers les communautés et tant qu’on n’a pas mis fin à l’épidémie parmi ces populations clés, c’est une certitude on ne pourra pas le faire pour la population générale ».
Le Sénégal enregistre à ce jour moins de 43.000 personnes infectées par le VIH, mais plus de 31.000 d’entre elles seulement sont sous traitement. Toujours selon le Pr Cheikh Tidiane Ndour, l’autre levier pour entraver la stigmatisation dont est toujours l’objet le VIH c’est « l’assimilation par les acteurs de la lutte des avancées thérapeutiques dans la riposte communautaire ». A ce titre, le Réseau national des associations de personnes vivant avec le VIH du Sénégal (RNP+) y contribue autant en donnant un visage humain à la maladie qu’en se faisant le relais de la vulgarisation des traitements en cours. Ainsi, toute la journée, ses représentants ont ponctué les échanges par le témoignage de leur vécu, de leurs difficultés comme de leurs réussites en tant qu’individu. Bien souvent sous couvert de l’anonymat, ils ont fait montre d’abnégation pour livrer leur partition à la lutte comme Ndongo, désigné pour porter devant les autorités le plaidoyer du RNP+.
Bastien DAVID
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