« L’Etat du Sénégal est dans une dynamique de mobilisation de recettes fiscales qui, au-delà des produits médicaments, concerne presque tous les produits alimentaires ou autres ». C’est l’explication scientifique que l’économiste Mady Cissé donne à la subite hausse constatée sur certains produits pharmaceutiques. Une nouvelle mesure qui, dit-il, risque non seulement d’alimenter le marché illicite du médicament, mais va impacter négativement sur le chiffre d’affaire des pharmaciens, mais également et surtout créer un problème de santé publique si l’approvisionnement n’est pas conditionné par un avis médical.
La taxation des produits est basée sur une charte avec des critères bien définis. Le tarif extérieur commun de l’Uemoa qui a en effet été « adopté par le Règlement n°02/97/CM/UEMOA du 28 novembre 1997, a été conçu comme un instrument dynamique de politique commerciale de l’Union qui vise à lutter contre les détournements de trafics, à harmoniser et simplifier les systèmes de taxation de porte des Etats membres, à offrir aux entreprises une fiscalité adaptée pour leur compétitivité ainsi qu’une protection ciblée et un approvisionnement optimal en biens de consommation pour les populations. Avec l’entrée en vigueur du Tarif Extérieur Commun, le 1er janvier 2000, l’UEMOA a fait un pas décisif dans la construction de son Union Douanière. Dans le cadre de la mise en place de l’Union Douanière de la CEDEAO, le Tarif Extérieur Commun de l’UEMOA a été amendé et étendu à l’ensemble des Etats membres de la CEDEAO. Au niveau de l’UEMOA, ce nouveau tarif a été adopté par le Règlement n° 06/2014/CM/UEMOA du 25 septembre 2014 portant modification du Règlement n°02/97/97/CM/UEMOA portant adoption du Tarif Extérieur Commun. Il comporte dans son architecture, le Droit de Douane (DD), la Redevance Statistique (RS) et le Prélèvement Communautaire de Solidarité (PCS). Ainsi, cinq (5) catégories ont été identifiées pour des droits de douane. Il s’agit d’abord de la catégorie 0 relative aux biens sociaux essentiels relevant d’une liste limitative pour des raisons de santé publique (médicaments, appareils de rééducation, notamment stimulateurs cardiaques, chaises roulantes) ou de politique éducative (livres, journaux), au taux de 0%. Ensuite, et naturellement, il y a la catégorie I qui concerne les biens de première nécessité, les matières premières de base, les biens d’équipement et les intrants spécifiques qui sont au taux de 5%. Puis, vient la catégorie II sur les intrants et produits intermédiaires au taux de 10%, la catégorie III sur les biens de consommation finale, au taux de 20%, et la dernière catégorie, le numéro IV, sur les biens spécifiques pour le développement économique, au taux de 35%. A côté de ces catégories, il y a la DIRECTIVE n° 06/2002-CM-UEMOA portant détermination de la liste commune des médicaments, produits pharmaceutiques, matériels et produits spécialisés pour les activités médicales exonérés de la TVA au sein de l’UEMOA », a expliqué l’économiste, Mady Cissé, qui indique que, -parlant des informations selon lesquelles la douane sénégalaise aurait déclassifié certains médicaments-, les produits concernés ne sont plus classés dans la catégorie (0), et que donc ces produits pharmaceutiques seront soumis aux droits de douanes et à la TVA de 18% à l’importation.
Une décision qui, selon notre économiste, semble s’écarter de la politique d’harmonisation fiscale dans le cadre du TEC de la CEDEAO relatif au droit de douane et de l’exonération de la TVA dans l’UEMOA, puisque les autres pays n’ont pas encore déclassifié ces produits assimilés à des biens sociaux essentiels pour des raisons de santé publique. Ce scientifique considère que cette forte augmentation des prix érodera forcément le pouvoir d’achat des consommateurs. Surtout que c’est une mesure prise dans un contexte d’une hausse quasi-généralisée des produits de première nécessité de la catégorie (I). Fort de ce constat, il pense cette hausse constatée pourrait alimenter substantiellement le marché illicite (marché noir) de ces produits, puisque, dit-il, le consommateur est dans une dynamique de rationalité. C’est pourquoi, M. Cissé indique que les pharmaciens peuvent refuser de vendre ces médicaments pour ne pas entrer en conflit permanent avec les consommateurs qui peuvent leur accuser de cautionner la politique fiscale de l’Etat, qu’ils jugent déjà être un effet réducteur de pouvoir d’achat. Ce n’est pas tout, avec cette nouvelle loi du marché, les pharmaciens risquent de voir leurs chiffres d’affaires connaitre une baisse significative. En effet, et « si le consommateur réduit sa consommation et par une mauvaise communication de faire croire que dans les pharmacies tous les produits ont augmenté, dans ce cas précis, le marché noir sera encore le réceptacle de la demande de médicaments. Si ces médicaments sont déclassés donc on peut dire qu’ils ne sont plus considérés comme des médicaments relevant exclusivement des professionnels du médicament. Dans ce cas, est-ce que la vente de ces produits ne serait pas libre, c’est-à-dire l’entrée des acteurs non professionnels dans la commercialisation », s’est interrogé cet économiste qui croit que ce serait un problème de santé publique si l’approvisionnement n’est pas conditionné par un avis médical.
Mady Cissé note que l’Etat est dans une dynamique de mobilisation de recettes fiscales qui, au-delà des produits médicaments, concerne presque tous les produits alimentaires.
Maïmounatou (Infomed Magazine)