Après cinq années de travail, la première phase de l’Initiative des organismes subventionnaires de la recherche scientifique, plus connue sous l’appellation anglo-saxonne Science Granting Councils Initiative (SGCI) a été clôturée officiellement en février 2020. Une des mérites de ce projet est d’avoir défriché un terrain nouveau en s’intéressant aux maladies chroniques chez les personnes âgées. Dans cet article, le professeur Ndiaye qui a servi de « lead » à ce projet revient sur les réalisations et les enseignements.
« L’idée du projet est née en 2009 au sein de l’Institut de Population, Développement et Santé de la Reproduction de l’université cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), à l’issue d’un symposium sur le vieillissement », souligne d’emblée le lead du projet, Lamine Ndiaye, sociologue et professeur titulaire à l’Université Cheick Anta Diop de Dakar. Pendant sept ans, le projet n’a pas connu une phase concrète d’exécution et il a fallu donc l’émergence de l’initiative des organismes subventionnaires de la recherche scientifique (SGCI) afin que le professeur Ndiaye et ses collaborateurs puissent bénéficier d’un premier financement.
Recherche prospective
Après avoir répondu avec succès à l’appel d’offres du ministère de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation qui est le conseil subventionnaire du Sénégal, une équipe pluridisciplinaire a été mis en place composé entre autres de médecins (gériatre, nutritionniste), sociologues, anthropologues, rappelle le professeur Ndiaye. A travers la première phase du SGCI, l’équipe a mené pendant une année, un travail de recherche qui a permis de documenter et de mieux comprendre ces maladies que sont entre autres l’hypertension, le diabète qui surviennent chez les séniors après la retraite.
« Le Sénégal, dans une phase de transition démographique, voit sa population des personnes augmentée de façon significative. En effet, la croissance démographique des personnes âgées (3,5%) dépasse largement celle nationale (2,5%) témoignant du dynamisme démographique de cette catégorie de population. Il suffit aussi d’analyser les données des recensements de 1976, 1988 et 2002 pour se rendre à l’évidence que la population des personnes âgées (PA) a connu des évolutions démographiques remarquables », soulignent les initiateurs dans un document.
« Notre recherche et à la fois actuelle mais aussi prospective, nous avons une population très jeune, mais la question du vieillissement se posera à l’avenir et il faut d’ores et déjà prendre nos dispositions », explique le professeur Lamine Ndiaye. L’équipe du projet accorde aussi une grande importance à l’échanges et à la sensibilisation sur l’état de santé des personnes âgées et les maladies qui accompagnent la vieillesse. A cet effet, rappelle le professeur Ndiaye, plusieurs séminaires et rencontre d’échanges ont été tenus en particulier avec l’association sénégalaise des ainés qui est un partenaires clés du projet.
Collaboration Sud-Sud
Si l’équipe du professeur Ndiaye, apparait comme un travail empirique, le constat entre la vieillesse et la persistance des maladies chroniques fait l’objet d’un constat bien établi. « On s’aperçoit ici que les valeurs occidentales sanitaires (prolongement de la vie, vieillesse en bonne santé) pénètrent la société sénégalaise sans que les institutions médicales aient les moyens financiers de les assumer », notent les chercheurs Chantal Crenn et Abdou Ka dans un article intitulé : « Les entrepreneurs du « bien vieillir » à Dakar, entre survivance et convivance », publié sur le site cairn.info.
La recherche déroulée par le professeur Ndiaye et ses collègues a aussi pris la forme d’une collaboration Sud-Sud. L’équipe a travaillé en binôme avec une équipe de chercheurs du Burkina Faso. Le même projet a été déroulé dans les deux pays. « Nous avons effectué une visite au Burkina Faso et on s’est rendu compte que nous avons les mêmes problèmes concernant la prise en charge de la santé des personnes âgées », souligne le professeur Ndiaye.
Au-delà de la collaboration entre chercheurs, le projet compte aussi attirer des bailleurs privés surtout dans la conduite de la seconde phase. Dans le cadre de l’exécution des SGCI au Sénégal, la première phase a été marqué par l’absence des entités, a fait remarquer le Professeur Soukeye Dia Tine, directrice du financement de la recherche et du développement technologique au sein du ministère sénégalais de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI).
Recommandations et suite
Doté d’un financement global de 13 millions de dollars, la première phase du projet SGCI a réuni quinze pays africains notamment des pays ouest africains francophones comme la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso en plus du Sénégal. Au Sénégal, deux projets (Santé et Agriculture) ont été financés, et ils font l’objet d’une collaboration avec des chercheurs burkinabés.
Pour le professeur Ndiaye, le travail entamé a déjà suscité une satisfaction du conseil subventionnaire (le MESRI) et aussi du ministère de la Santé.
« Nous allons bientôt entamer la seconde phase du projet avec financement plus conséquent, celle sera marquée par davantage de travail de terrain aussi bien au Sénégal qu’au Burkina Faso. Au-delà des maladies chroniques, nous allons aussi nous intéresser aux conditions de vie des personnes âgées », note le professeur Ndiaye.
Si la première phase a permis beaucoup d’avancées (partage d’informations, travail collaboratif, séances d’informations), le professeur Ndiaye note aussi quelques écueils liés à la lenteur des procédures administratives qui retardent le décaissement des subventions. Une situation qui a comme corollaire un retard dans les délais d’exécution et la soumission des rapports.
« Lors d’une réunion en ligne avec les bailleurs, nous avons soumis ce problème et on a reçu une réponse positive dans le sens où durant la seconde phase, les subventions seront versées directement à l’administration universitaire avant elles passaient par le ministère, cela va être une épine de moins en attendant », précise le professeur Ndiaye.
Momar Niang