L’HALD, ce vieil hôpital centenaire a longtemps croulé sous le poids de l’âge avec des problèmes criards d’ordre infrastructurel, fonctionnel mais aussi des problèmes liés à un équipement vétuste.
Malgré tous ces aléas, le personnel dans son ensemble et sa diversité, a toujours tenu le pari de la continuité des soins, en dépit de l’environnement hostile.
Toutefois, l’état de délabrement plus qu’avancé des bâtiments mais aussi les défauts chroniques de fonctionnement ont fini de convaincre ces travailleurs que l’hôpital n’était plus viable et qu’il fallait alors le reconstruire.
C’est ainsi que les anciens et maitres (gratitude leur soit témoignée) ont par le passé, réfléchi et élaboré un projet d’établissement ambitieux et révolutionnaire qui a eu l’onction du gouvernement d’alors, et fait rêver tous les praticiens et patients.
Toutefois depuis lors, bientôt 10 ans, que ce projet n’a pu voir le jour malgré tout l’espoir qu’il avait suscité ; bon nombre de ses rédacteurs voire la quasi-totalité malheureusement, n’ont pu voir sa réalisation jusqu’à leur retraite.
Ainsi, cet hôpital est retombé dans l’oubli et la désuétude, malgré la place prépondérante qu’il continuait d’occuper dans le système de santé.
La nouvelle génération consciente des enjeux et problèmes actuels, notamment la dégradation de la qualité des soins et de la formation dans ce temple, et mue par un désir de s’inscrire dorénavant dans une démarche qualité, a consacré une bonne partie de son temps et de sa réflexion (gratitude témoignée aux praticiens qui ont dépoussiéré les archives de ce dorénavant vieux projet) depuis septembre 2020.
Ceci dans le seul but de vouloir remettre au gout du jour ce projet qui les avait tant fait rêver, mais qui n’a jamais pu voir le jour, vraisemblablement pour des intérêts matériels sur le foncier, connus de tous.
C’est ainsi que des réunions périodiques se sont tenues pour mettre à jour ce projet original dans sa conception. Car il fallait tenir compte à juste titre, de l’environnement externe qui avait changé (nouveaux hôpitaux construits, carte sanitaire…) mais aussi des réalités du moment (transition épidémiologique etc..) ainsi que des remarques faites par la banque mondiale sur l’ancien projet.
Ainsi, plusieurs mois ont été nécessaires pour toutes ces réunions, malgré les calendriers chargés des uns et des autres, dans le seul but de défendre l’intérêt commun.
Le cœur du projet d’établissement, le PROJET MEDICAL, a ainsi été repensé en premier, en ne s’éloignant pas de la philosophie première qui avait prévalu et habité les anciens.
Ensuite, les autres sous projets ont suivi, chacun en ce qui le concernait, ayant été amendé et discuté avec les services concernés. Ce qui montre qu’en réalité, le premier projet d’établissement des anciens, n’a jamais été écarté.
Durant tout ce processus, les partenaires sociaux ont été sensibilisés sur les problèmes de fonctionnement, d’infrastructures et sur la nécessité de reconstruire l’hôpital. Ils ont été informés de la mise à jour du projet et ont assuré leur engagement à la CME pour la défense des intérêts de Dantec.
Le comité chargé de la mise à jour de ce projet a rencontré le MSAS à 2 reprises aux mois de Décembre 2020 et avril 2021 pour parler de la reconstruction de l’hôpital. Toutefois, rien de concret jusque-là n’a été obtenu. Devant l’urgence et surtout la multiplication de cas sensibles de défauts de prise en charge occasionnant parfois la mort de patients, la CME a organisé 2 conférences de presse en septembre 2021 et avril 2022.
Suite à cette dernière sortie, et le contexte d’alors aidant (scandales à répétition dans les structures sanitaires), elle a été conviée au MSAS pour préparer une audience au Palais de la république. Audience au cours de laquelle, Mr Le Président de la République s’est officiellement engagé à reconstruire l’hôpital A Le Dantec sur une surface de 3,5 hectares pour un cout de 92 milliards, dont une partie serait financée par la vente des 3 autres hectares. Une reconstruction sur site est proposée et acceptée avec une organisation des services laissée à l’appréciation des instances de l’hôpital en partenariat avec le MSAS. Cette offre de la plus haute autorité de l’état, représentait une délivrance inespérée pour la plupart des praticiens, mais pour d’autres, elle sonnait le glas de ce vieil hôpital, dont la génération actuelle a hérité et qu’il fallait sauvegarder à tout prix. En effet, d’aucuns continuent d’exiger que l’ancien projet soit imposé à tout prix à l’état, de façon non négociable. La question qui se pose est la suivante : si l’ancien projet aussi attrayant fut-il, n’a pu être réalisé toutes ces années durant, malgré l’entregent, le carnet d’adresses très fourni des anciens et le consensus qui prévalait en leur temps, n’est-il pas utopique de continuer à croire que c’est encore possible de le réaliser ?
Ce patrimoine en l’état, n’est plus fonctionnel et devient même dangereux pour ses usagers. Six hectares, 4 hectares, 3 hectares ? Que voulons-nous réellement ? Est-ce si important de parler d’hectares finalement, quand les enjeux sont la sécurité et la faisabilité des soins dans ce vieil hôpital ?
Au vu des scandales notés et de plus en plus fréquents dans les structures de santé, est-il encore raisonnable de continuer à travailler dans cet hôpital dans ces conditions ? L’état ne risque-t-il pas de nous avoir finalement à l’usure avec une saignée progressive et organisée des services phares avec un débauchage des praticiens, et une asphyxie financière programmée ? Autant de questions à se poser dans ce contexte ou finalement les maitres mots devraient être : pragmatisme et opportunisme.
Savez-vous, que dans cet hôpital, l’eau courante est une denrée rare, que les nuisances animalières font foison, que les accompagnants dorment dans des conditions inhumaines, que les locaux sont inadaptés à la pléthore d’étudiants qui sont formés dans des conditions inconcevables…que les praticiens (ceux qui sont réellement sur le terrain) travaillent dans des conditions inimaginables…
Savez-vous que dans cet hôpital, la gestion des urgences est désastreuse, des malades sont convoyés vers des structures privées pour la réalisation d’examens d’imagerie basiques à n’importe quelle heure, que des structures privées viennent prélever les patients solvables pour la réalisation d’examens biologiques de base disponibles même dans les centres de santé…Qui d’entre nous s’est levé pour dénoncer ces inepties et conflits d’intérêt évidents ?
Savez-vous que la formation des DES et internes est fortement impactée par la pauvreté du plateau technique, par la démission de beaucoup de séniors, à juste titre parfois (…quoique…).
La population dans son ensemble, la communauté médicale sénégalaise, la presse, la société civile, l’opposition ont-elles réagi aux nombreux cris de cœur de ce personnel qui contre vents et marées a tenu le pari de la continuité des soins, malgré la tentation de transhumer vers des prairies plus vertes et attirantes…Nous avions tant besoin pourtant de ce soutien, qui aujourd’hui nous surprend nous-mêmes ?
Avons-nous finalement plus d’attaches à ce foncier inerte qu’à la vie des patients, étudiants et praticiens qu’on met en danger H24, 365j/365.
Beaucoup ignorent que des court-circuits sont récurrents dans notre bloc opératoire, ou peut-être qu’après tout ce n’est pas si grave, jusqu’au jour où une perte en vie humaine nous obligera à situer les responsabilités.
La préoccupation du personnel médical ne doit-elle pas être la qualité des soins, la sécurité des patients et des praticiens, la qualité de la formation des médecins et paramédicaux ?
Les questions sur l’aspect architectural, la préférence d’un bailleur sur un autre, d’un architecte ou d’un montage financier sont-elles des prérogatives du corps médical ou syndical ?
Depuis quand est-ce que le modèle de financement est décidé par des médecins, qu’une architecture doit etre validée par des syndicalistes ? D’aucuns critiquent l’architecture sur 6 étages, arguant que ce n’est pas adapté à un CHU… Et pourtant, le CHU de Cocody est sur 10 étages, le CHU du val de Marne sur 12 étages, le CHU de Bordeaux sur 9 étages, le CHU de Bordeaux sur 13 étages…Pourquoi voudrions-nous être plus experts que ceux qui ont fait leurs preuves ?
Ne devrions-nous pas etre plus choqués par ce qui se passe dans nos hôpitaux : les procédures de prise en charge des patients foulées aux pieds par l’administration sans que cela n’émeuve outre mesure les praticiens que nous sommes ? Sinon, avons-nous assez manifester notre indignation par rapport à ces inepties, ou opposer le principe de l’obligation de moyens ? Combien d’hôpitaux présentent les mêmes anomalies que Le Dantec dans ce pays?
Ce combat pour le foncier interpelle notre conscience, mais la lecture ne doit pas être épidermique et l’analyse biaisée…Dantec a une histoire, il est vrai ; mais le fait est que Dantec se meurt depuis des années. Le dilemme qui se pose à nous est : de le laisser mourir de sa belle mort, nous irons alors transhumer vers des structures qui respectent notre dignité et celle des patients, ou nous nous battons pour le faire reconstruire quelque-soit ce que cela nous en coute…
Pour que nul n’en ignore……………………
Dr Lamine Gueye / pour la Task Force
Assistant en Chirurgie Générale.