Depuis plusieurs années, le Sénégal fait face à une migration massive de ses professionnels de santé vers la France et d’autres pays européens. Ce phénomène, qui s’intensifie avec le temps, constitue une menace pour le système de santé national, déjà fragilisé.
Récemment, le licenciement du Dr Maïssa Ndao, médecin vacataire au centre de santé de Grand-Dakar, a ravivé les tensions dans un secteur confronté à de multiples difficultés. Considéré comme arbitraire par ses collègues, cet acte a suscité une vague de protestations et de menaces de grève, révélant les profonds dysfonctionnements du système de santé sénégalais. Selon certaines sources, Dr Ndao aurait été licencié pour avoir demandé une augmentation salariale, tandis que son supérieur justifie cette décision par son attitude jugée « irrespectueuse » lors d’une réunion de cogestion. Pour ses confrères, cette affaire illustre le manque de liberté d’expression et le désintérêt des autorités envers les médecins. « Si le Syndicat autonome des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes (Sames) ne réagit pas, nous suspendrons nos activités dans les structures publiques », a déclaré El Hadj Babacar Ndoye, porte-parole du Mouvement des jeunes médecins du Sénégal.
Un exode vers de meilleures conditions
De nombreux médecins sénégalais choisissent de s’expatrier en raison des conditions de travail difficiles au pays : manque de matériel, longues heures de travail et rémunérations insuffisantes. La France, principal pays d’accueil, leur offre des perspectives plus attractives : salaires plus élevés, infrastructures modernes et reconnaissance professionnelle accrue. Chaque année, plusieurs jeunes praticiens réussissent les concours de validation de diplômes étrangers et s’installent en France, où ils jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des services de santé.
Le Dr Boubacar Signaté, urgentiste à Paris, a publié une contribution largement partagée sur les réseaux sociaux, alertant sur l’ampleur de ce phénomène. « Avant, les Maghrébins étaient majoritaires dans ces concours. Cette année, j’ai vu un nombre record de médecins sénégalais y participer et réussir », observe-t-il. Il prévient que la situation va empirer : « Si vous pensez qu’il y a une saignée, attendez-vous à une hémorragie massive ».
Une profession en souffrance
Le secteur médical sénégalais souffre d’un manque de reconnaissance et de moyens. Le pays compte seulement 0,69 médecin pour 10 000 habitants, bien en deçà des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les salaires modestes et l’absence d’équipements modernes dissuadent les jeunes praticiens de rester. Le Dr Signaté souligne l’importance d’une refonte du système de formation médicale, critiquant des universités aux programmes obsolètes et une administration indifférente aux réformes.
Vers une solution ?
Pour enrayer cet exode, des solutions doivent être envisagées. L’amélioration des conditions de travail, la revalorisation des salaires et l’investissement dans les infrastructures hospitalières pourraient inciter les médecins à rester. Certains experts préconisent également des accords bilatéraux permettant aux médecins expatriés de revenir exercer après quelques années à l’étranger.
En attendant, les tensions persistent et le risque d’une crise majeure dans le secteur de la santé s’intensifie. L’exode des médecins menace l’accès aux soins pour la population, soulignant l’urgence d’une volonté politique forte et d’investissements stratégiques pour redonner espoir aux soignants du pays.
infomed avec enquête