La mise en place d’un comité scientifique, la nomination d’un chef au COUS, la création d’un conseil national de lutte à l’image du Cnls… Voilà ce que proposent des médecins pour vaincre la pandémie. Surtout, surtout, ils préconisent de taire les divergences politiques et aller se vacciner.
Face à la propagation rapide du virus avec cette troisième vague de contamination très contagieuse provoquée par un variant plus virulent que la souche initiale, des professionnels de la santé proposent une « nouvelle organisation » pour une meilleure riposte. Ils demandent surtout de mettre les moyens pour rendre le vaccin accessible, renforcer la sensibilisation et restreindre les rencontres pour rompre au plus vite la chaine de contamination. Autres propositions : la création d’une structure indépendante et d’un comité scientifique.
Le Sénégal a encore déploré hier cinq nouveaux décès provoqués par le covid-19 portant le nombre de décès à 1183 depuis le premier cas enregistré le 02 mars 2020. Un an et quatre mois après le début de la pandémie, l’évolution est de nouveau très préoccupante avec la survenue d’une troisième vague plus contagieuse que les deux précédentes, causée par un variant indien (Delta) plus virulent. Hier, le bulletin quotidien du ministère de la Santé et de l’Action sociale a fait état de 356 nouvelles contaminations sur un nombre de 2388 tests réalisés. Soit un taux de positivité de 14,91% en valeur relative. La région de Dakar, comme d’habitude, a enregistré la presque totalité des cas. En effet, sur les 356 cas, les 205 ont été enregistrés dans la capitale contre seulement 24 cas dans cinq régions du pays que sont Thiès, Saint Louis, Diourbel, Kaolack et Matam. Pour le cas spécifique de Dakar, Dr Yéri Camara du Sames (Syndicat autonome des médecins du Sénégal) explique les raisons de ce fort taux de contaminations. « Entre Dakar et les autres régions, ce n’est pas le même ordre de grandeur. La région accueille plus de voyageurs et le mouvement y est très dense. Il faut aussi dire qu’il y a des malades venus des régions et qui sont diagnostiqués à Dakar. C’est pour dire qu’il y a tout un ensemble de facteurs qui peuvent favoriser l’émergence de la maladie à Dakar ». Avec cette troisième vague plus virulente et très mortelle, n’y a-t-il pas lieu de mettre en place une nouvelle organisation dans la gestion de cette pandémie au vu surtout de sa rapidité de propagation ?
« Ranger les divergences politiques et ramer dans la même direction »
Selon le secrétaire général du Syndicat autonome des médecins du Sénégal (Sames), Dr Yéri Camara, « le ministère y est. Après avoir réuni le Comité national de gestion des épidémies (Cnge), le message de prudence qui a été délivré au chef de l’Etat rentre dans ce sens ». Il pense qu’il faut des messages plus hardis pour amener la population à se faire vacciner notamment dans les régions où la vaccination traine. « A Diourbel comme à Touba, qui sont les villes plus touchées, les personnes ne se vaccinent pas. Il faut que les chefs religieux aident l’Etat. Il faut qu’on renforce la sensibilisation parce que au-delà de cette réticence, il y a aussi un problème d’accessibilité des populations dans les centres de vaccination ». Sur ce, il propose que l’Etat mette à la disposition des équipes des médecins chefs de districts des moyens pour qu’ils puissent aller trouver les populations chez elles en faisant du porte-à-porte pour les vacciner. Les vaccins, du moins en ce qui concerne les régions dit-il, sont disponibles. Mais « c’est la vaccination qui est balbutiante », a-t-il déploré tout en invitant les chefs religieux à appeler leurs communautés à les suivre dans la prise de doses et le respect des prescriptions des autorités sanitaires. Le patron du Sames demande aussi aux politiques de taire leurs divergences et ramer dans la même direction pour pouvoir rompre au plus vite la chaine de transmission. « Tant qu’on a des discours contradictoires qui polluent le message, ce sera difficile de rompre cette chaine de contamination et immuniser les populations », estime Dr Yéri Camara. Selon lui, si les hôpitaux de Dakar, qui enregistrent beaucoup de cas ces jours-ci, arrivent à saturation, les structures sanitaires régionales le seront aussi. Il demande ainsi à la population d’aller se faire vacciner, et à l’Etat d’envisager d’autres mesures restrictives. « Peut-être pas le couvre-feu, mais restreindre un peu les rencontres » préconise-t-il tout en proposant au ministère de trouver quelqu’un d’expérimenté pour le nommer à la tête du COUS (Centre des opérations d’urgence sanitaire). « Le COUS n’a pas de chef. Il faudrait que le ministre trouve quelqu’un et pourvoie le poste. Il faut mettre une personne qui a de l’expérience pour pouvoir relever le défi. Le COUS est un organisme qui doit être dirigé par quelqu’un d’expérimenté qui a fait les périphériques et qui pourra faire la riposte ».
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Alors que Dr Yéri Camara propose une nouvelle tête pour le COUS, Cheikh Mbaye, master en politique et gestion des systèmes de soins en santé, lui, mise sur un Conseil national de lutte contre la Covid-19. A l’image de celui créé pour combattre le Sida. Selon lui, « une telle structure avec des hommes du sérail aurait une feuille de route et une mission sur deux ans pour éradiquer la maladie ». Une structure qui se chargera de « rendre compte au ministère » mais qui « aurait les coudées franches pour reprendre le combat déjà au niveau des stratégies institutionnelles et programmatiques ». A son avis, il est urgent de nommer un secrétaire d’Etat au Covid-19 qui aura une coordination à même de gérer l’épidémie à l’instar du Cnls (Conseil national de lutte contre le sida) qui s’occupe du Vih. Mais pour le secrétaire général du Sames, derrière le Conseil national qui gère le Sida, il y a un bras armé technique derrière à savoir la direction de lutte contre le sida. Encore que, dit-il, « les conseils nationaux, à part le niveau national, ont montré leurs limites ». Il ne souhaite en aucune manière que la Covid se chronicise. « On n’aimerait pas que la Covid devienne une pandémie chronique pour nous inscrire dans 20 ans de lutte. C’est une maladie aigue. On a eu à gérer des épidémies. Mais il ne faut pas que l’on se trompe. La santé, ce n’est pas que la médecine. Car, il y a aussi les appuis techniques », explique Dr Yéri Camara.
Dr Amadou Sow favorable à un comité scientifique
Mais ne devrait-on pas retirer carrément la gestion de la pandémie au ministère ? A cette question, le Dr Amadou Sow, médecin légiste, dit humblement qu’il n’est « pas prétentieux pour dire que c’est bien ou pas », mais soutient avoir eu à « fustiger » le fait qu’il n’y ait pas de comité scientifique dans cette gestion de la Covid. « Ce que l’on a, c’est le Cnge. C’est une structure administrative. Les gens y sont de par leurs fonctions. Et comme nous connaissons l’administration sénégalaise, ce ne sont pas les meilleurs qui sont promus pour diriger les structures. Quand on dit le Cnge, c’est le directeur de la Santé publique qui le dirige. Quand tu occupes cette fonction, peut-être que tu as des accointances politiques qui ont fait qu’on t’a nommé directeur général de la Santé publique, voilà ! Ce qui fait que, in fine, nous n’avons pas les meilleurs profils dans ce Cnge et nous n’avons pas toutes les spécialités ou, en tout cas, les scientifiques. C’est plus une structure administrative qu’autre chose. C’est multisectoriel, certes, car il y a tous les ministères mais, en réalité, ce n’est pas un truc scientifique. Décision avait été prise de mettre en place un comité scientifique, et le ministre avait pris un arrêté ou quelque chose comme ça pour mettre en place ce comité. C’est le professeur Seydi qui le dirige, mais ce comité n’a jamais été mis en place à part la désignation de son président. Même si on ne peut aller vers ce que propose Cheikh Doudou, à savoir une structure comme le Cnls, qu’on mette en œuvre au moins ce comité scientifique ! Qu’il y ait vraiment une instance qui donne des avis uniquement scientifiques selon les connaissances de la médecine, et cet avis pourrait peut-être être discuté au niveau du Cnge qui aura une composition multisectorielle. Mais que le comité scientifique, composé des différents secteurs, au moins des différents acteurs de la médecine, se retrouve pour discuter des questions relatives à la pandémie. Et quand il prendra une décision, elle devra être examinée par le Cnge qui pourra ou non l’appliquer », propose le médecin légiste Dr Amadou Sow.
Hebdomadaire le Témoin
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