Président de la Commission médicale de la Fédé foot, Dr Babacar Ngom fait l’état des lieux de la délégation sénégalaise présente à Yamoussoukro.
Quel bilan tirez-vous de la situation médicale des délégations sénégalaises présentes ici à Yamoussoukro ?
Nous avons une délégation composée de différents secteurs du football. En dehors de l’équipe et du staff, nous avons plusieurs délégations réparties dans 10 hôtels. Si on enlève celui des Lions, nous avons 9 hôtels abritant une population qui tourne autour de 600 personnes. On ne peut pas aussi laisser en rade des Sénégalais qui sont venus par leurs propres moyens et qui, d’après nos estimations, tournent autour de 400 personnes. Au total, nous avons une population de près de 1000 personnes à gérer sur le plan médical. Nous sommes trois dont deux médecins et un paramédical. Ce qui est très insuffisant par rapport à la population qu’on doit gérer. Dans la délégation du 12e Gaindé où il y a Lébougui et Allez Casa, nous avons pris un paramédical, de manière informelle, pour gérer l’infirmerie, mais qui n’est pas pris en charge par le ministère des Sports. Dans la délégation fédérale, il y a un autre médecin qui est pris en charge par la Fédération.
Justement, comment parvenez-vous à gérer tout ce beau monde ?
Nous disposons d’un véhicule de liaison que le ministère des Sports a bien voulu mettre à notre disposition, par rapport aux besoins. Le ministère a également mis à notre disposition un budget de 2 millions Cfa en médicaments pour permettre la prise en charge des patients pendant tout le séjour.
Quelles sont les pathologies que vous avez eu à gérer depuis le début de cette Can ?
Nous avons eu à gérer au cours du voyage et dès notre arrivée, des cas de Covid et de grippe, ensuite des diarrhées, ces virus dus au changement d’alimentation. Là, nous gérons plus de cas de déshydratation, de déséquilibres de diabète et des traumatismes divers.
Est-ce qu’il y a eu des cas particuliers que vous avez eu à gérer ?
Actuellement, notre casse-tête, ce sont deux patientes hypertendues, et pour lesquelles la rémission de l’hypertension est difficile, ce qui a nécessité un transfert à l’hôpital de Yamoussoukro pour une prise en charge cardiovasculaire. Nous sommes en train de suivre ces deux patientes, mais la tension est bien descendue.
Nous avons aussi eu un cas d’accident de la circulation, hospitalisé une journée à l’hôpital de Yamoussoukro. Il traversait la rue et un véhicule l’a fauché. Il s’en est sorti avec une contusion de la hanche.
Vous avez parlé de cas de Covid, alors que personne n’en parle. Est-ce que le virus est très présent ici à Yamoussoukro ?
En quittant Dakar, le ministère de la Santé avait annoncé que le Covid avait commencé chez nous et qu’il y avait une trentaine de cas rien que pour la première quinzaine de janvier. Nous avons pu tester trois ou quatre cas positifs sur place qu’on a jugulés. Il y a aussi des grippes apparentées au Covid. En tout, c’est moins d’une quinzaine de personnes. Les diarrhées sont montées jusqu’à 20, au milieu de la première semaine.
Quelles sont les difficultés que vous avez eu à rencontrer pendant cette première phase ?
Déjà, je vous parlais de l’insuffisance des ressources humaines parce que nous avions planifié pour dix médicaux, nous n’en avons eu que trois. C’est une difficulté. Le véhicule de liaison, c’est au bout de quatre à cinq jours que nous l’avons eu. Il nous a beaucoup facilité la tâche. Mais sur le plan pharmaceutique, on est vraiment à l’aise.
C’est quoi le quotidien de l’équipe médicale présente ici à Yamoussoukro ?
Tous les jours, le matin et en fin de journée, je fais un briefing avec l’équipe médicale. On peut nous appeler au milieu de la nuit pour des cas. Donc, chaque matin, on fait l’évaluation globale de la situation, le planning et l’évaluation de la journée.
Nous sommes dans une ville où il fait très chaud. Est-ce que cela complique davantage votre travail ?
Heureusement que nous avons l’expérience de cela depuis quelques années. Dès que nous arrivons, nous identifions les structures médicales qui sont autour des hôtels où nous sommes. Nous essayons d’avoir des relations physiques avec nos collègues pour pouvoir agir à tout moment par rapport aux cas que nous avons. Nous nous déplaçons également pour voir dans quelles conditions sont logés nos concitoyens. Après, on fait la coordination médicale pour affecter les médicaux dans différents sites en leur donnant les moyens thérapeutiques et logistiques de se déplacer. Mais, c’est extrêmement difficile, avec des conditions climatiques extrêmement difficiles. On fait beaucoup de sensibilisation, de prévention. Malheureusement, vous ne voyez personne porter de masque.
Comment se passe la collaboration avec les collègues médecins ivoiriens ?
C’est juste un contact physique. A chaque fois qu’on a un cas qu’on doit évacuer ou qui nécessite la sollicitation d’un spécialiste particulier comme la dernière fois où on avait besoin d’un ophtalmologiste, un samedi matin, il a fallu se rabattre sur un collègue ivoirien. Le dimanche, on avait besoin d’un dentiste. Nous l’avons re-sollicité pour nous mettre en rapport avec quelqu’un. Quand il y a eu l’accident de la circulation, nous avons géré la situation ensemble. On a une collaboration fluide avec nos collègues ivoiriens, même si c’est de manière informelle.
Avec la canicule, est-ce qu’on peut dire que c’est l’une des Can les plus difficiles, sur le plan médical, dans la gestion des joueurs ?
C’est en effet l’une des Can les plus difficiles. Avec cette chaleur arrimée à l’humidité, c’est extrêmement difficile pour les organismes. Surtout pour ceux qui sont des Nordistes, à savoir les Magrébins. Il y a déjà deux équipes qui sont rentrées (Algérie, Tunisie). Je ne dis pas que c’est le seul facteur, mais c’est l’un des facteurs qui les ont obligées à être contre-performantes. Cela a fait des dégâts dans toutes les sélections. Heureusement que sur le plan tactique, nos entraîneurs ont été très futés d’avoir un bloc qu’on appelle médian. Je ne suis pas technique, mais cela oblige les autres à courir plus que nous. Et ça laisse des traces.
Justement, pour les Lions, est-ce que le staff médical est suffisant pour répondre à toutes ces attentes ?
En médecine, l’obligation n’est pas le résultat, mais plutôt les moyens. Nous avons une équipe médicale de 7 personnes dont 2 médecins et 5 kinés. Il y a des équipes nationales qui ne l’ont pas. Il faut tendre vers le maximum pour avoir un ratio, un médical pour 3 ou 4 joueurs. On se réjouit des conditions mises en place par la Fédération, mais il est important, pour les prochaines échéances, qu’on puisse en avoir plus.
Le fait de rester à Yamoussoukro sera-t-il un élément important dans ce match contre le pays-hôte ?
C’est un excellent avantage parce qu’on a eu un temps d’adaptation au climat d’ici. Nous connaissons le terrain parce que nous y avons joué trois matchs. Ce sera à l’adversaire de s’adapter.
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