Écartés par l’ordre des pharmaciens du Sénégal, ignorés par le syndicat des pharmaciens privés, les jeunes diplômés de cette profession sont dans le désarroi. Réduits en chômage plusieurs années après la formation, certains prennent le chemin de l’exil vers le Gabon ou la Mauritanie, non sans difficulté.
Dans une interview dont l’intégralité sera publiée le 8 mai, Dr Falla Mané est revenu sur les problèmes qui assaillent leur corporation et les solutions préconisées.
« Nous sommes une profession libérale, mais très fermée ». Cette phrase du président de l’Union des jeunes pharmaciens du Sénégal (Ujps) en dit long sur les problèmes du secteur de la pharmacie. D’abord, les blocages notés dans le projet de création d’officine. Des obstacles survenus à la suite de la réforme de 2007 qui donne désormais à l’Etat la prérogative d’autoriser les sites d’installation de pharmacie. Sauf que, depuis 2018, il n’y a pas eu un arrêté signé et proposant la création d’officine qui pourrait permettre aux pharmaciens de soumettre un dossier de candidature à l’ouverture de pharmacie. Et que donc, « l’Etat doit libéraliser la profession », dixit Dr Falla Mané qui dit scandaliser par le mutisme du syndicat des pharmaciens privés du Sénégal et de l’Ordre des pharmaciens. Deux instances existantes qui, selon les dires de Dr Mané, ont presque failli dans leur rôle de prise en charge des revendications des travailleurs et des problèmes du secteur. Lesquels tournent autour de l’inscription à l’ordre professionnel et à l’insertion du jeune diplômé en pharmacien dans le marché du travail.
Des manquements qui ont conduit à la création de l’union des jeunes pharmaciens du Sénégal (Ujps) pour aider les jeunes à décrocher le boulot et tabler sur la précarité constatés dans certaines fonctions pharmaceutiques comme l’assistanat. « En 2002, il a été constaté que les pharmaciens étaient confrontés à un réel problème d’insertion dans le marché du travail engendrant un défaut de perspectives professionnelles. Sans compter la précarité du statut au niveau de certaines fonctions pharmaceutiques comme l’assistanat ». Des préoccupations, dit-il, qui n’ont pas été prises en compte par ces instances existantes (le syndicat des pharmaciens privés du Sénégal et l’ordre national des pharmaciens » qui devaient prendre en charge les revendications des travailleurs et contrôler le secteur. « Il y a qu’un seul syndicat dans la corporation avec peut-être l’ordre national des pharmaciens du Sénégal qui est censé réguler l’exercice de notre fonction. Mais qui ont laissé prospérer une sorte de stigmatisation », s’est indigné ce professionnel du médicament qui ne mâche pas ses mots. « Le secteur de la pharmacie souffre de disparités qui existent entre les différentes générations de pharmaciens qui a conduit à la création de l’Union des jeunes pharmaciens du Sénégal (Ujps) créé en 2001 pour revendiquer un minimum de statut et de meilleures conditions d’existence dans la profession pour une garantie d’insertion professionnelle après la formation post universitaire ». Ce qui devrait être le rôle du Syndicat et de l’ordre des pharmaciens.
« Malheureusement le syndicat des pharmaciens privés du Sénégal écarte déjà une bonne partie des membres de la corporation, car tous les pharmaciens ne sont pas dans le privé. Cela ressemble plus à un patronat pharmaceutique. Parce que c’est des pharmaciens titulaires d’officine qui sont concentrés dans ce dit syndicat. Alors qu’un syndicat est censé défendre les intérêts matériels et moraux des membres d’une certaine corporation. On n’a presque jamais vu, -sinon rarement-, ce syndicat se prononcer sur le cas d’un jeune pharmacien employé quelque part. Ce qui est dommage. Parce que si, par exemple, un jeune pharmacien non inscrit à l’ordre donc non reconnu par cette instance commet une faute professionnelle quelque part, l’ordre ne pourra jamais le traduire en conseil de discipline. Il pourrait refuser de se plier prétextant qu’il n’a jamais été autoriser à exercer le métier par l’ordre de son pays même s’il est pharmacien dans un autre pays étranger. Pareil pour ceux qui sont dans le secteur de la visite médicale qui ne sont pas pris en compte dans ces instances sous prétexte que la visite médicale ne fait pas parti du monopole pharmaceutique. Pourtant c’est un domaine du médicament. Ils sont dans le domaine du marketing du médicament excepté le responsable pharmaceutique de la boite, ce que nous avons toujours dénoncé ». Autant de manquements qui fait qui ont donné à Dr Mané de vendre le médicament de « l’aberration ».
Il est formel. « Si ces préoccupations étaient prises en compte dans les instances existantes, je ne pense pas que l’Ujps serait née », a dit ce jeune pharmacien qui, dans notre projet de mémorandum, a, avec ses collègues « esseulés », dégagé un certain nombre de solutions en faisant surtout dans l’innovation avec la création de la plateforme « Pharma Ligeey » pour l’accompagnement à l’insertion professionnelle des jeunes pharmaciens. Un projet réussi grâce à des partenaires financiers. « En trois ans, la plateforme a permis à beaucoup de jeunes pharmaciens de décrocher leur premier boulot », s’est-il félicité tout en indiquant que l’idée a été mise en œuvre à la suite de leur élection pour un deuxième mandat à la tête de cette association, en 2018, avec un plan basé sur l’entrepreneuriat et l’auto-emploi. Donc la création de projets innovants. D’ailleurs, ils ne se sont pas limité à cette plateforme, ils ont également pensé à mettre sur pied une industrie de fabrication de coton.
Ces jeunes pharmaciens dénoncent le fait que la pharmacie est aujourd’hui le seul secteur où ton diplôme ne te permet pas d’accéder à la profession. « L’inscription à l’ordre des pharmaciens est assujettie à l’exercice de la profession pharmaceutique, selon certains textes avancés par les détracteurs. Je considère ça comme un refus d’accès à la profession sous prétexte que ces jeunes pharmaciens ne travaillent pas. D’ailleurs les maîtres de la législation pharmaceutiques en ont une autre lecture. Ils soutiennent que c’est anti-loi même de vouloir refuser l’accès à la profession à des jeunes diplômés », a déclaré le « patron » de ces jeunes pharmaciens qui n’écarte pas de porter le combat au niveau des juridictions compétentes comme la Cour Suprême pour remettre de l’ordre dans la profession. « L’ordre étant un démembrement de l’Etat, ça peut être un problème qui pourrait opposer la corporation à un démembrement de l’Etat », a-t-il averti.
L’intégralité de l’interview sera publiée le 8 mai.
En gros c’est tout à fait ce que nous vivons dans ce pays en tant que jeunes diplômés qui ne demandent qu’un minimum pour exercer dignement notre profession. Big up Doc Mané