Les inégalités sociales constituent une véritable bombe sociale. Le principal détonateur se trouve entre les mains de nos acteurs publics et réside dans leurs comportements et leurs stratégies de mise en œuvre des politiques publiques. Notre cher pays le Sénégal, de plus en plus se perd à cause de certains de ses acteurs surtout publics » comme « Sodome », la légendaire cité du « pêché ».
Dans la sphère publique, on note des pratiques d’abus ; certains accèdent aux responsabilités publiques par le « clientélisme » au préjudice des jeunes diplômés qui peinent à trouver un stage.
Ces comportements traceurs se sont banalisés et ont contribué à créer le malaise surtout au sein de la jeunesse.
Excellence Monsieur le Président, vous n’êtes pas responsable de certains comportements d’hommes et femmes en qui vous avez placé votre confiance. Si beaucoup méritent cette confiance d’autres non.
Comme disait l’autre « quand les valeurs que l’on croyait les plus assurées vacillent et quand le sens de la communauté s’estompe au profit d’appétits égoïstes, la jeunesse doute d’elle même, elle doute de ses « ainés ». Aujourd’hui, la voix rauque de la puberté a rugi.
Heureusement, Excellence, Monsieur le Président de la République, vous avez puisé dans votre amour pour le Sénégal et votre sérénité de « leader » pour décrypter les messages de ces millions de jeunes en annonçant une nouvelle ère dans les politiques de jeunesse.
En ma qualité de citoyen, solidaire avec vous et soucieux de sa jeunesse, ayant capitalisé une expérience communautaire de plus de 15 ans exercée au sein de l’administration publique et en dehors, permettez-moi ces quelques suggestions.
1ere suggestion: Votre décision augure une nouvelle ère dans la conception et la mise en œuvre des politiques de jeunesse. Comme disait le futuriste Joel Baker, les nouvelles idées révolutionnent et nous libère de nos limites.
De grâce, ne confiez pas cette réflexion aux acteurs du système public. Vous avez déjà balisé votre voie lorsqu’en 2014, surprenant tout le monde, vous décidiez de confier la mise en œuvre du PUDC au PNUD. Si vous confiez cette réflexion aux acteurs du système, ce sera juste un processus, des ateliers, des conférences, des consultations, bref « des marchés » et au final un bon rapport bien écrit qui en réalité n’est que le « réchauffé » d’un vieux rapport tiré des tiroirs comme il en existe à foison. Qu’est devenu votre ambitieux programme de modernisation de l’administration après plusieurs ateliers et conférences qui ont couté au trésor public une manne financière importante ?
Excellence Monsieur le Président de la République, les jeunes n’ont pas besoin de ces procédés bureaucratiques auxquels ils ne comprennent pas grand-chose. Ils ont besoin d’actions concrètes et rapides les impliquant et leur profitant directement. Ils n’ont pas besoin de « coups d’éclat » ou de
« cas d’écoles ou success story isolés » exhibés par des « experts de la mise en œuvre de la vision du chef de l’Etat en matière d’emploi » comme signe de réussite. Les outils pour parvenir directement aux jeunes existent.
2éme suggestion: N’écoutez pas ceux-là qui vous proposeront la création d’une méga structure publique. La plupart d’entre eux considère que pour régler un problème, il faut juste mettre en place une structure. Mais leur motivation est simple car la méga structure implique des positions de directeurs, de chargés de missions, de budget, l’achat de véhicules de fonction rutilants, des postes pour parents et amis, des budgets de communication importants à coup de dizaines de millions, etc.
Excellence, Monsieur le Président, une telle approche ne fera qu’entretenir la frustration déjà importante.
3éme suggestion: Comme vous aviez si bien fait avec le PUDC, éprouvez d’autres modalités d’intervention dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des politiques publiques. Sur la question de la jeunesse, faites «un appui direct » à travers un partenariat direct avec les jeunes des quartiers et des villages. N’écoutez pas ceux qui vous diront que les acteurs communautaires ne sont bien formés et qu’au nom de la « professionnalisation », il faut leur confier la gestion.
Excellence Monsieur le Président de la République, les outils et leviers pour parvenir aux jeunes existent bel et bien Ils peuvent permettre d’identifier rapidement les jeunes qui sont en situation et qui pourraient être accompagnés, pour une formation professionnelle ou pour débuter une activité professionnelle. Les conseils de quartier et les associations de culture urbaine (en milieu urbain) et les comités villageois et inter villageois (en milieu rural) composés de plusieurs associations de jeunes, de femmes et de personnes handicapées sont effectivement un bon outil pour parvenir directement aux jeunes. Le passage par les conseils communaux de la jeunesse et les conseils régionaux de la jeunesse pourrait participer à renforcer la perception de la politisation de la stratégie.
4éme suggestion: N’impliquez pas les « militants » dans le schéma d’intervention car cela risque de gêner. Vos initiatives en matière sociale sont toutes ingénieuses mais vous confiez souvent leur mise en œuvre à ceux-là qui ont un faible « capital confiance » auprès des jeunes à tort ou à raison. La plupart de jeunes considèrent du fait du mode d’intervention qui met en avant certains hommes publics et partisans que les instruments d’appui, de financement et de renforcement de capacités ne bénéficient qu’aux jeunes du parti. A tort ou raison, c’est cela leur perception.
Il est aujourd’hui urgent plus que jamais, que vous amorciez le changement de paradigme dans les modes d’intervention de l’Etat. Nous utilisons depuis plusieurs années le même procédé d’intervention autour de méga structures mais que nenni. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. La conception structuraliste de l’Etat bien entretenue par une certaine administration pour la raison évoquée en haut doit être bannie. Beaucoup de structures sont créés puis dissoutes après avoir englouti des milliards. Avons-nous besoin de toutes ces structures publiques alors qu’un simple partenariat avec les acteurs organisés dans les villages et les quartiers aurait suffi.
Avons-nous besoin de dépenser des millions dans la formation d’autres jeunes, alors que les emplois en cours de jeunes sont déjà très précaires et où l’inspection du travail est perçue par le jeune comme un « allié » du patron et un « bourreau » du jeune travailleur.
Pourtant le travail décent et des mesures de protection sociale sont reconnus unanimement comme des outils fondamentaux pour réduire l’exclusion sociale, les inégalités et combattre la vulnérabilité et la pauvreté. Ce sont des droits humains reconnus par les instruments internationaux (DUDH, PIDESC, normes OIT, Charte de l’UA, agenda 2063 UA, agenda 2030). Ce sont des mécanismes qui génèrent la richesse et la redistribuent et ainsi sont des sources de cohésion sociale, de paix et de stabilité.
Vous en avez déjà initiés.
Excellence, Monsieur le Président, mes suggestions poussent juste à une grande et énorme rupture dans les modes d’intervention de l’Etat en matière de conception et de mise en œuvre des politiques publiques. L’administration publique résistera à ce changement par tous les moyens.
J’ai entendu des économistes dire que le modèle de développement que prônait « feu Mamadou DIA » et bâti autour de la responsabilisation directe des communautés et la limitation de l’Etat aux fonctions de régulation et d’encadrement avait les mêmes contours.
Essayons cela et voyons voir comme disait l’aveugle.
Je suis sûr que vous y êtes Excellence ; c’est ce que j’ai compris de vos mots prononcés le 08 mars 2021, quand vous disiez, je vous cite « m’adressant à vous les jeunes, je voudrais vous dire que je comprends vos inquiétudes et vos préoccupations ».
Le désespoir est laid et inconvenant, nous avons espoir Excellence.
« May Deus illuminabit te et custodiat te» ; Que dieu vous garde et vous éclaire.
Mamadou MBAYE
Juriste, intervenant communautaire et
Expert « CMU »