La Secrétaire exécutive du Conseil national de lutte contre le sida (CNLS), le Dr Safiatou Thiam, encourage vivement les personnes vivant avec le VIH/Sida à sortir de l’anonymat pour «donner un visage humain» à cette maladie et «montrer qu’elles ont une vie normale». Ce faisant, elles contribueront de manière certaine à mettre fin à la stigmatisation dont elles font l’objet dans la société.
Malgré les efforts faits sur le plan législatif pour protéger les personnes séropositives au Sénégal, ces dernières continuent d’être victimes de la stigmatisation. C’est l’un des défis auquel font face les acteurs de la lutte contre le Sida. Les stratégies de sensibilisation avec les associations ne suffisent pas pour éliminer la stigmatisation. C’est eu égard à cela que le Dr Safiatou Thiam invite les premiers concernés à franchir ce cap de sortir de l’anonymat, affronter le regard de la société et prendre leur place.
«Nous développons avec les associations des personnes vivant avec le VIH des activités de sensibilisation. (Mais), nous les poussons également à sortir pour donner un visage humain au VIH/Sida parce que souvent ceux qui les stigmatisent c’est parce qu’ils ne connaissent pas de personnes vivant avec le VIH dans leur environnement », a soutenu le Dr Safiatou Thiam dans un entretien avec Infomed. Pour le Dr Thiam, la stigmatisation en plus d’être le fait de l’ignorance, est à mettre sur le compte des premières images, quelque peu terrifiantes, qui étaient diffusées à l’époque pour les séances d’informations sur cette maladie infectieuses quelques décennies plus tôt. «Les gens ont gardé en tête l’image de personnes rachitiques – les premières images des personnes vivant avec le VIH – qu’on montrait et qui représentaient les personnes vivant avec le VIH», estime l’ancienne ministre de la Santé sous le magistère du président Abdoulaye Wade. Rappelons qu’à cette période, il n’y avait pas de traitement et que les personnes séropositives pouvaient dépérir très rapidement.
En revanche, de nos jours avec le traitement, la donne a complètement changé. Les personnes vivant avec le VIH mènent une vie tout à fait normale et tant qu’ils respectent strictement leur traitement, ils peuvent avoir une bonne espérance de vie, faire des enfants sains (non infectés) et même préserver leur conjoint(e) de l’infection. Aucun signe extérieur ne peut éveiller le moindre soupçon sur leur situation. Mais tout cela suppose préalablement que chaque individu se décide à se faire dépister pour connaitre son statut sérologique. Selon la Secrétaire exécutive du CNLS, «Aujourd’hui, les personnes vivant avec le VIH/Sida ont une vie normale, ils ont leur famille et leur travail. Mais elles ne sortent pas assez pour montrer qu’elles ont une vie normale. Sur ce plan, ça reste un peu surtout dans nos pays où on a de faibles prévalences », regrette la spécialiste des maladies infectieuses. D’après elle, dans les pays où le taux de prévalence est très élevé, la stigmatisation est moindre comparés aux pays comme le Sénégal. «Dans d’autres pays où le taux de prévalence est très élevé, où tout le monde connaît une personne qui a le VIH comme en Ouganda, il y a moins de stigmatisation des personnes vivant avec le VIH/Sida », informe le Dr Safiatou Thiam.
La stigmatisation se nourrit de l’auto-stigmatisation des PVVIH
C’est fort de ce constat que le Dr Thiam conseille aux personnes séropositives à sortir de l’ombre pour casser ce fantasme ou les clichés qu’entretient la société sur les malades du Sida. D’ailleurs, se terrer dans l’ombre, c’est contribuer soi-même peu ou prou à cette stigmatisation. «Ici (au Sénégal) il y a très peu de personnes qui s’affichent. C’est une personne par génération qui accepte de dire devant le grand public, à la télé, qu’elle vit avec le VIH. Donc il y a une auto-stigmatisation des personnes vivant avec le VIH», remarque la Secrétaire exécutive du CNLS.
Pour mémoire, le Sénégal a fait voter une loi qui protège les PVVIH et les met à l’abri de la discrimination à l’emploi. «On ne peut pas les discriminer dans le travail. Beaucoup d’efforts qui ont été faits, mais je pense que ce combat, ce sont les personnes vivant avec le VIH elles-mêmes qui peuvent le gagner».
La lutte contre la pandémie du Sida au Sénégal connait un succès incontestable. De 2005 à maintenant il y a une baisse de 70% des nouvelles infections et la prévalence, elle aussi, est en baisse passant de 0,5 à 0,3% sur la même période. A cela, il faut ajouter le nombre de personnes sous traitement qui augmente. Toutefois, ces avancées cachent mal les grands défis parmi lesquels les populations clés, notamment les groupes difficiles à atteindre que sont les toxicomanes, les homosexuels et les travailleuses du sexe. Dans le contexte sociétal africain c’est extrêmement difficile de mettre des programmes pour ces catégories de personnes qui sont pourtant des personnes à risque.
Depuis la découverte du Sida au début des années 1980, des millions de personnes ont été contaminées et sont mortes à travers le monde de la pandémie, mais surtout en Afrique. D’après des chercheurs, le virus du Sida serait passé du singe à l’homme à la fin du 19ème siècle en Afrique centrale. Cela suppose que la maladie aurait fait de nombreuses victimes avant d’être découverte puisque les premiers cas documentés remontent à 1959 si l’on en croit le magazine futura-science.com.
Frédéric ATAYODI