L’épidémie en République démocratique du Congo inquiète l’OMS qui voit le virus se propager dans des régions qui étaient jusqu’ici considérées comme épargnées par la maladie tropicale.
Les cas de variole du singe, peuvent-ils s’étendre dans le monde ? L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’en inquiète, après une flambée de contaminations survenue ces dernières semaines en République démocratique du Congo (RDC). Quelles nouvelles observations ont été faites ? Quel est le profil des malades ? Le Parisien fait le point.
Quelle situation ?
L’inquiétude est réelle. « Nous craignons qu’il y ait une transmission internationale » depuis la RDC, a déclaré vendredi Dr Rosamund Lewis, spécialiste du mpox à l’OMS – terme privilégié, remplaçant monkeypox – lors d’un point presse à Genève. Car le constat alerte : « l’épidémie s’étend rapidement dans le pays ». Plus de 13 000 cas suspects ont été observés, « soit plus de deux fois le nombre de contaminations signalées au cours des années précédentes », a-t-elle alerté. Surtout, « plus de 600 » personnes en sont mortes.
Jusque-là, une dizaine de régions de la RDC étaient identifiées comme « endémiques », ce qui veut dire que le virus y circulait de façon plus ou moins permanente. Désormais, 22 provinces du pays ont été touchées par des cas mpox, selon un bulletin de l’OMS datant du 23 novembre. Des personnes « ayant voyagé dans des régions endémiques ont été à l’origine d’une chaîne de transmission interhumaine dans les provinces non touchées », pointe l’agence de l’ONU.
Pourquoi ces contaminations inquiètent plus qu’avant ?
Il existe deux clades (ou variants) connus du mpox : le 1 et le 2 (dont le 2b). L‘épidémie actuelle en RDC est portée par le clade 1 du virus, tandis que celle qui a frappé l’Europe et les États-Unis, l’an dernier, était due au clade 2b, qui pouvait se transmettre surtout lors de rapports sexuels. « Jusqu’à présent, le clade 1 présent sur le continent africain, se transmettait à l’homme au contact de certains animaux, comme les rongeurs. Ces cas restaient plutôt circonscrits en zone rurale. Or, pour la première fois, une transmission sexuelle parmi des malades atteints du variant 1 a été observée », explique le Dr Éric D’Ortenzio, médecin épidémiologiste à l’ANRS Maladies infectieuses émergentes.
Cette nouvelle voie de transmission inquiète, car l’épidémie se propage désormais à des régions qui étaient jusqu’ici considérées comme épargnées par la maladie tropicale. « Des zones semi-urbaines ou très urbaines comme Kinshasa », ou la province du Lualaba et le Sud-Kivu sont désormais touchées, observe-t-il. Le profil des malades a également évolué : les femmes et les hommes sont atteints (à la différence de l’épidémie de 2022 en Europe, où la grande majorité était des hommes).
Autre inquiétude, le variant 1 circulant en RDC présente un niveau de gravité plus préoccupant que le 2b. « Historiquement, on estime le taux de mortalité du clade 1 autour de 10 %, contre 1 % pour le clade 2 », observe Yannick Simonin, spécialiste des virus émergents à l’université de Montpellier, même si ces chiffres dépendent du contexte sanitaire du pays et de la qualité de sa prise en charge.
Quel contexte ?
Le virus de la variole du singe est endémique dans certaines régions d’Afrique depuis les années 1970. La maladie se transmet de l’animal à l’homme, mais est donc aussi capable de se transmettre par contacts rapprochés et voie sexuelle. L’an dernier, une flambée de cas (liés au variant 2b) avait été observée dès mai 2022, en Europe et aux États-Unis.
Les symptômes commencent par de la fièvre, de la fatigue ou encore des douleurs musculaires. Puis, des taches et des lésions peuvent apparaître sur la peau (y compris sur les parties génitales). Un test PCR permet ensuite de confirmer – ou non – la présence du virus. Face à la flambée de cas de 2022, plusieurs pays comme la France ou les États-Unis avaient renforcé leur campagne de vaccination. L’épidémie est d’ailleurs considérée comme « maîtrisée » dans l’Hexagone. Reste que des contaminations sont aujourd’hui reparties à la hausse dans plusieurs régions du monde, notamment en Asie, avec des cas au Japon, au Viêt Nam, en Chine et en Indonésie.
Quelle prévention ?
Pour freiner toute flambée épidémique, des efforts doivent d’abord être dirigés vers les campagnes de détection, jugées encore trop fragiles. « Le diagnostic n’est pas évident à poser car les symptômes du mpox peuvent facilement se confondre avec ceux d’autres maladies : cela va du simple état grippal à la rougeole pour les éruptions cutanées », note Yannick Simonin, qui estime qu’une « grande part de cas positifs » passe encore sous les radars. Et de résumer : « Le défaut de détection constitue un terreau favorable à la propagation du virus ».
Soutenir les projets de recherches et accentuer les études en cours permettront d’identifier au mieux les populations susceptibles d’être les plus touchées, complète le Dr Éric D’Ortenzio, participant à l’une d’elles, le projet Panafpox avec l’ANRS. Le défi n’est pas mince. « L’an dernier, nous observions une circulation du virus très localisée chez les hommes. Mais en RDC, on constate une diffusion plus large au sein de la population, ce qui incite à la prudence et à éviter toute stigmatisation », de la communauté homosexuelle, pointe Yannick Simonin.
Enfin, un renforcement des campagnes de vaccinations – « quasi inexistantes » en Afrique – pourrait lutter contre la propagation du mpox. Autour d’un million de doses ont été administrées à l’échelle mondiale, dont environ deux tiers de primo injections, selon le chercheur. Une couverture jugée encore « insuffisante » pour, selon lui, empêcher une potentielle reprise épidémique en France comme dans d’autres pays.
Infomed avec le parisien