En conférence de presse aujourd’hui, au siège de l’Ordre national des médecins du Sénégal, l’association des gynécologues-obstétriciens du Sénégal (ASGO) a tenu à justifier les gestes adoptés par leur confrère, Dr Léonce Faye, dans l’affaire qui a entraîné sa mise en garde à vue. L’ASGO a également fustigé l’« acharnement » dont seraient victimes les médecins dans l’exercice de leur métier.
L’association des gynécologues-obstétriciens du Sénégal (ASGO) a apporté des éclairages dans l’affaire dite Doura Diallo, la parturiente décédée au Centre de santé de Kédougou. Lors d’une conférence de presse organisée aujourd’hui, au siège de l’Ordre national des médecins du Sénégal, les intervenants n’ont pas manqué d’expliquer les gestes adoptés par l’équipe du bloc opératoire de Kédougou pour sauver la dame.
C’est ainsi que Pr Mame Diarra Ndiaye de la commission scientifique de l’ASGO a tenu à justifier le geste de l’embryotomie que d’autres qualifieraient de « barbare » ; « pour ceux qui disent que le gynécologue a arraché la tête de l’enfant, il ne s’agit pas de tout cela. L’embryotomie est une technique, un moyen obstétrical qui est très bien connu, que l’on peut retrouver dans tous les ouvrages d’obstétriques. Elle est enseignée avec des techniques bien édictées. L’embryotomie se pratique dans une certaine situation et d’une certaine manière. C’est un geste traumatisant même pour le praticien, il faut cependant s’armer de beaucoup de courage pour pouvoir le faire », explique-t-elle.
Cette technique moins connue, en dehors du monde médical, est pour Pr Ndiaye un geste auquel il fallait recourir devant «l’imminence du danger qui guettait la maman.»
Dr Aminata Diagne, Vice-présidente de l’ASGO, soutient, elle aussi, qu’il est nécessaire d’expliquer les faits afin, dit-elle, d’éviter à tout un chacun de penser ce qu’il veut : « Quand la dame est arrivée au Centre de santé, le gynéco était en consultation qu’il a aussitôt arrêtée pour prendre en charge Mme Diallo. Mais l’enfant était déjà mort. Néanmoins, il fallait qu’il le fasse sortir. C’est dans ce sens que le gynécologue a déployé les techniques qu’il a apprises. Et puisque que la tête de l’enfant était sortie, les épaules et le reste du corps à l’intérieur, il fallait pratiquer l’embryotomie. Et malheureusement c’est de là que vient tout ce bruit », soutient-elle.
Dr Diagne poursuit en disant que cette pratique ne date pas d’aujourd’hui. « Et si la dame avait été sauvée, beaucoup n’allaient pas se rendre compte de ce qui s’est passé et qui fait du bruit aujourd’hui. Maintenant, tout le monde a entendu le mot embryotomie. Et avant de le faire, notre collègue a demandé au mari qui a autorisé de faire tout ce qui peut sauver sa femme », dit-elle.
Également présent à cette rencontre, le Pr Alassane Diouf, gynécologue-obstétricien, chef de service de la maternité de l’hôpital de Pikine et par ailleurs enseignant en gynécologie-obstétrique, s’est lui aussi attardé sur cette pratique : « Dr Faye hérite d’une situation que l’on peut qualifier de dépassée. Parce que lorsqu’il y a une situation d’embryotomie, c’est que l’enfant est mort et qu’il faut le sortir tout en essayant de sauver la vie de la mère. Ce n’est pas un geste exceptionnel ni criminel, il fait partie de la nomenclature des gestes obstétricaux. C’est un acte médical qui a des indications», fait savoir l’enseignant.
« Les années d’études en médecine ne sont pas faites pour retirer des vies »
Pr Alassane Diouf, comme d’autres, regrette l’acharnement fait aux agents de santé après cette affaire et celles qui l’ont précédées. L’enseignant en gynécologie-obstétrique qui fut professeur de Dr Léonce Faye pense qu’il faut dédramatiser les choses. « Si l’on fait des années d’études en médecine, c’est pas pour retirer des vies, mais pour en sauver. Quand Léonce a obtenu son diplôme, contrairement à d’autres, il a accepté d’aller servir là où la patrie lui demande. Il est allé à Kédougou », dit-il.
Dr Amadou Yéri Camara SG du Syndicat Autonome des Médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes du Sénégal (SAMES) n’en dira pas moins. Celui qui est venu « manifester sa solidarité » à ses camarades de l’ASGO soutient que depuis quelques temps, des personnes qui se sont sacrifiées avec tant d’années d’études, qui sont au fin fond du pays, font l’objet d’attaques de la part de personnes « incultes ». Nous sommes plus dans la diplomatie, dit-il. « L’heure n’est pas au conciliabule ni au discours policier. Nous sommes là et nous allons lutter ! Parce que la plupart des fonctionnaires qui sont des universitaires ne veulent pas aller dans des zones éloignées. Et heureusement nous, nous avons nos dignes frères, des gynécologues, qui l’acceptent, et ce qu’on leur paie en retour, c’est des diffamations », ajoute-t-il.
Selon lui, l’Etat doit se ressaisir. Parce que, dit-il, pour un « oui ou un non », les médecins n’accepteront pas qu’on les mette en prison.
Ibrahima Mintthe (Infomed Magazine)