Depuis plusieurs jours, le secteur de la santé au Sénégal est paralysé par une grève des médecins. Après le succès de leur mouvement des 18 et 19 février dernier, le Syndicat autonome des médecins du Sénégal (SAMES) a décidé de durcir le ton en observant un arrêt de travail de plusieurs jours. Cette mobilisation massive vise à dénoncer la persistance des mauvaises conditions de travail et l’absence de réponses concrètes du gouvernement à leurs revendications, alors que des accords avaient été conclus en décembre 2023.
Des revendications claires et légitimes
Au cœur de la contestation, plusieurs points fondamentaux : le recrutement de personnels de santé actuellement au chômage, la revalorisation des pensions de retraite des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes, ainsi que la correction des inégalités et injustices dans les régimes indemnitaires. En outre, les grévistes demandent la construction d’hôpitaux de niveau 2 dans chaque département du pays afin de garantir un meilleur accès aux soins pour tous les Sénégalais.
L’accélération de la mise en œuvre de la couverture sanitaire universelle figure également parmi leurs revendications majeures, tout comme la clarification du statut des médecins en cours de spécialisation et des internes des hôpitaux. Ces points cruciaux illustrent une volonté de renforcer l’accessibilité et la qualité des soins, mais aussi de garantir de meilleures conditions de travail aux professionnels de la santé.
Un secteur en sous-effectif face à une demande croissante
L’un des sujets de discorde les plus préoccupants reste le recrutement de nouveaux professionnels de santé. Le Dr Mamadou Demba Ndour, secrétaire général du SAMES, dénonce un manque criant d’embauches depuis plusieurs années. « Depuis plusieurs années, aucun recrutement sérieux d’agents n’a été effectué. Nous avons sur le marché des médecins diplômés depuis trois ans, voire plus, qui sont toujours sans emploi. Qu’ils soient médecins spécialistes, généralistes, pharmaciens ou dentistes, beaucoup sont au chômage alors que les établissements hospitaliers manquent cruellement de personnel. Un seul médecin peut se retrouver à faire le travail de quatre à cinq médecins pendant plusieurs années. »
La situation est paradoxale : alors que le pays dispose de facultés de médecine et d’unités de formation et de recherche (UFR) capables de former des centaines de professionnels chaque année, ces derniers peinent à trouver du travail dans les hôpitaux et structures de santé publiques. Une évaluation récente du gap en ressources humaines a pourtant montré que même si tous les médecins en attente d’emploi étaient recrutés, cela ne suffirait pas à combler les besoins actuels du pays.
Une inégalité de l’offre de soins sur le territoire
La carte sanitaire du Sénégal est également pointée du doigt par le SAMES. La construction d’hôpitaux de niveau 2 dans chaque département est une priorité pour assurer une distribution équitable de l’offre de soins. Actuellement, de nombreuses régions souffrent d’un manque criant d’infrastructures hospitalières modernes et bien équipées.
« Si nous voulons une distribution correcte et un accès équitable aux soins pour tous les Sénégalais, nous devons construire des hôpitaux départementaux dans tous les départements », affirme Dr Ndour. Il plaide pour une meilleure planification en concertation avec l’ensemble des acteurs du secteur, car c’est en renforçant les infrastructures de santé que la qualité des soins pourra être améliorée et que les populations auront un meilleur accès aux traitements nécessaires.
Une charge de travail excessive et un risque accru d’erreurs
Les médecins grévistes dénoncent aussi les disparités régionales en matière de ressources humaines. Dans certaines régions, le nombre de spécialistes est largement insuffisant, ce qui alourdit la charge de travail des professionnels en poste. Cet état de fait a un impact direct sur la qualité des soins et sur la qualité de vie des médecins eux-mêmes.
Une charge de travail excessive peut conduire à une baisse de productivité, mais aussi à une augmentation des erreurs médicales, expose Dr Ndour : « L’absentéisme, la fatigue et le stress sont des conséquences directes de cette surcharge. Or, ces facteurs peuvent conduire à des erreurs médicales qui mettent en danger les patients et exposent les médecins à des poursuites judiciaires. »
Ce manque de renforcement des effectifs, couplé à un accès limité aux structures de santé, constitue un frein majeur à la prise en charge précoce des maladies. En effet, de nombreux patients arrivent à l’hôpital à un stade avancé de leur pathologie, ce qui complique les traitements et aggrave leur pronostic vital.
La question des pensions et des salaires : une injustice sociale
Enfin, la rémunération et les conditions de retraite des médecins constituent une autre revendication essentielle. La carrière médicale commence tardivement, et bien que l’âge de la retraite ait été allongé, aucune mesure d’accompagnement n’a été prise pour garantir une revalorisation des pensions et du traitement salarial.
« Les populations sont exigeantes envers nous, et pourtant, nous travaillons dans des conditions très difficiles avec un traitement salarial qui ne motive pas », explique Dr Ndour. Il pointe du doigt une inégalité criante : bien que les médecins appartiennent à la hiérarchie A spéciale de la fonction publique, ils perçoivent moins que d’autres fonctionnaires de la même catégorie évoluant dans d’autres secteurs.
Face à cette situation, le SAMES exige une réforme profonde du système de santé et une réponse rapide du gouvernement. Le combat des médecins sénégalais ne concerne pas seulement leur avenir professionnel, mais aussi l’avenir du système de santé du pays et le droit de chaque citoyen à des soins de qualité.
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