« Comment assurer la formation, l’affectation équitable et l’encadrement effectif des professionnels de santé en Afrique de l’Ouest ? » C’est le thème de la table ronde virtuelle que vous avez organisée le 6 mai dernier. L’occasion de revenir avec des acteurs du secteur de la santé sur les pistes d’action formulées par WATHI dans ce domaine…
Oui, réfléchir sur les systèmes de santé nous semblait important bien avant l’arrivée du Covid-19. Avec ou sans, avant et après le Covid-19, nous devons rester focalisés sur tout ce qui permet de renforcer de manière structurelle et durable nos systèmes de santé.
Que ce soit pour répondre aux épidémies, pour faire face aux maladies chroniques, ou pour ne pas continuer à perdre des vies qui pourraient être sauvées tous les jours à cause de défaillances des services d’urgence ou d’erreurs médicales parfois grossières, il faut investir dans la formation, le suivi et l’encadrement des professionnels de santé.
Le 6 mai, nous avons eu près de deux heures et demie d’échanges avec quatre invités de quatre pays différents : le doyen de la faculté de médecine, de pharmacie et d’odontostomatologie de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Dr Abdoulaye Samb, le directeur des ressources humaines du ministère de la Santé du Burkina Faso, Salif Siguiré, le président de l’Association des étudiants en médecine et en pharmacie du Togo, Djimbaré N’sannoo, et la présidente de l’ordre des sages-femmes de Guinée, Marie Condé.
Quels sont selon ces acteurs les problèmes les plus importants et les pistes proposées ?
Le diagnostic est assez bien partagé : doutes sur la qualité de la formation initiale des professionnels de santé, prolifération de structures privées de formation peu ou pas du tout encadrées – par exemple pour les sages-femmes et les infirmiers -, très faible disponibilité de médecins spécialistes hors des capitales. Mais aussi négligence de la formation continue et de l’évolution de carrière des sages-femmes et infirmiers, coordination insuffisante entre les ministères de l’Enseignement supérieur et les ministères de la Santé dans la planification des besoins de capacités de formation.
Le doyen de la faculté de médecine et de pharmacie de Dakar a par exemple insisté sur le besoin pour les professeurs de passer effectivement du temps dans les hôpitaux publics universitaires qui doivent rester à la fois des structures de soins et des lieux de formation des étudiants. L’étudiant en médecine du Togo a expliqué que les étudiants ne passaient jamais le temps prévu théoriquement pour la formation pratique et qu’en plus, les équipements sur lesquels ils doivent se former étaient rarement disponibles. Il a cité l’exemple de l’IRM, imagerie par résonance magnétique, qui est introuvable dans les hôpitaux publics de son pays.
Vous avez aussi parlé des graves inégalités d’accès aux personnels de santé entre les capitales et les zones rurales et de la question de déontologie et d’éthique professionnelle…
En effet, il est très clair que ces inégalités d’accès aux professionnels de santé entre les régions d’un même pays sont des puissants facteurs de destruction du lien de confiance entre les États et les populations. Il faut au moins que les États montrent qu’ils font des efforts. Sur ce plan, le directeur des ressources humaines du ministère de la Santé du Burkina Faso a décrit le dispositif d’incitations qui récompense les professionnels qui choisissent d’être déployés dans les régions où les déficits sont les plus importants. Cela a commencé à produire des résultats encourageants.
Nous avons terminé les échanges par la question du comportement des professionnels de santé à l’égard des usagers, qui est souvent marqué par un accueil discourtois, une faible écoute des patients, quand il ne s’agit pas d’irrespect et de mépris. La présidente de l’ordre des sages-femmes de Guinée a reconnu que le problème était réel et elle a estimé qu’une grande partie de la réponse se trouvait à nouveau dans la formation initiale et continue. Il faudrait sans doute ajouter le besoin là aussi d’incitations, y compris des sanctions pour les comportements les plus inacceptables. Ré-humaniser nos systèmes de santé est un chantier qui devrait concerner tous les citoyens bien au-delà des acteurs des systèmes de santé.
► La vidéo de la table ronde virtuelle sur la formation des professionnels de santé est disponible sur les pages Facebook et Youtube de WATHI.
► WATHI a aussi lancé un groupe Facebook dédié aux témoignages et aux propositions des citoyens sur les systèmes de santé en Afrique de l’Ouest.
rfi.fr