L’Assemblée nationale du Bénin a voté dans la nuit de mercredi 20 à jeudi 21 octobre la légalisation de l’avortement jusqu’ici interdit sauf pour des cas bien précis. La loi relative à la santé sexuelle et la reproduction dispose désormais que l’interruption volontaire de grossesse (IVG) « peut etre autorisé » jusqu’à douze semaines ce qui n’est pas sans susciter des divisions dans ce pays très religieux.
Ils sont une poignée sur le continent africain. Les pays qui ont légalisé l’avortement se comptent en Afrique sur les doigts d’une main. Depuis ce jeudi, il sont cinq puisque les députés béninois ont entériné par leur vote la légalisation de cette pratique médicale qui est interdite au Sénégal. Après la Tunisie en 1973, l’Afrique du Sud et le Cap-Vert en 1997, et le Mozambique en 2014, le Bénin autorise donc l’interruption volontaire de grossesse (IVG) « lorsque la grossesse est susceptible d’aggraver ou d’occasionner une situation de détresse matérielle, éducationnelle, professionnelle ou morale ».
L’IVG était auparavant interdite dans ce pays, sauf circonstances exceptionnelles, comme lorsque la grossesse était la conséquence d’un viol ou d’une relation incestueuse, ou en cas de risque pour la vie de la femme. La légalisation de l’avortement est un véritable choix de société, mais l’impératif pour le gouvernement béninois est de « sauver des vies ». C’est ce qu’a indiqué le ministre béninois de la Santé, Benjamin Hounkpatin, lors d’un point presse ce jeudi à Cotonou : « Cette mesure vient soulager les peines de nombreuses femmes qui, face à la détresse d’une grossesse non désirée, se trouvent obligées de mettre leur vie en jeu par des pratiques d’interruption de grossesse dans des conditions non sécurisées.»
Près de 200 femmes meurent chaque année au Bénin des suites de complications d’un avortement, selon les chiffres du gouvernement. « Plusieurs familles continuent de pleurer la perte d’un enfant, d’une épouse, d’une mère, partie tragiquement à la suite d’un avortement compliqué. Ces blessures sont irréparables. Pourtant on peut bien éviter ce drame qui se joue sous nos yeux », a ajouté le ministre.
Une opinion publique divisée
La Conférence épiscopale du Bénin n’a pas attendu le résultat du vote des parlementaires pour prendre position puisque la veille, elle indiquait dans un communiqué que « la légalisation de l’avortement est la culture de la mort et qu’il y a des alternatives sûres et fiables pour remédier aux maux que l’on entend solutionner par la légalisation de l’avortement». Si le christianisme est majoritaire dans ce pays et que 27% des béninois sont musulmans d’après les chiffres du recensement de 2013, il ne faut pas occulter le poids des religions traditionnelles telles que le Vaudou qui concerne 17% de la population.
Autre levier d’importance, celui des chefferies traditionnelles à l’instar du sud-ouest du pays où le Roi des Guin, Nikoué Kpatakpatakou II, s’est réjoui du choix des députés béninois : « Je salue le courage des députés et du gouvernement pour avoir pris une telle décision courageuse. J’encourage, car désormais lorsqu’une femme sera confrontée à ce genre de situation, elle sera référée dans un hôpital agréé ou dans une clinique pour y recevoir des soins adaptés et de qualité .»
Le Dr Karen Houéfa Ganyé, sociologue, estime qu’il faut faire le distinguo entre éthique et morale : « Lorsque nous sommes dans la dimension purement éthique la vie est sacrée et rien de ce qui peut toucher la vie ne peut avoir notre assentiment, de ce point de vue l’avortement, le meurtre, l’assassinat ne réside pas dans nos valeurs. Mais lorsque nous parlons de la morale ce n’est pas quelque chose de figée, mais évolutif. Du point de vue sociologique, je demande le discernement pour ne pas laisser primer une partie sur l’autre.»
Par Bastien DAVID