La Covid-19 a remis en cause bien des certitudes. Entre l’explosion de la pandémie mondiale au Coronavirus et l’annonce des premiers essais cliniques vaccinaux, le manque criard d’informations factuelles et les fake news ont largement contribué à la méfiance des populations.
Force est de constater que le monde dans lequel nous vivons et celui vers lequel nous nous dirigeons seront celui des questionnements, que les différentes plateformes numériques de communication amplifieront.
Quelle doit alors être la posture de la communauté scientifique et médicale sénégalaise, et continentale à laquelle j’appartiens ?
Notre objectif est d’améliorer le bien-être physique, mental et social de nos populations. Il nous incombe dans un premier temps d’apporter une information scientifique simple et compréhensible pour les populations.
Fort heureusement, la lutte acharnée des scientifiques porte ses fruits et les vaccins des différents laboratoires apparaissent comme la meilleure solution pour protéger le monde en général et les populations sénégalaises en particulier en permettant une immunité collective provoquée.
Jamais une question sanitaire n’a pu autant surclasser les enjeux économiques et fédérer autant de connaissances scientifiques, d’investissements, d’énergie, et de volonté politique de par le monde. Une unanimité qui a débouché sur la mise rapide sur le marché de plusieurs types de vaccins. Entre l’essai clinique sur l’homme et la mise sur le marché, plusieurs contrôles de conformité sur les vaccins ont exclu au maximum les risques majeurs.
Bien sûr, comme pour tout vaccin, il peut y avoir des effets secondaires, mais il n’en reste pas moins que cette approche vaccinale contre la Covid-19 est bien plus avantageuse que ses désagréments.
Le vrai problème est que, bien que l’Afrique consomme environ un quart des vaccins mondiaux en volume, elle fabrique moins de 1 % de ses vaccins de routine, avec quasiment aucune unité de fabrication de vaccins contre les flambées épidémiques en dehors de celle contre la fièvre jaune.
La plupart des pays africains dépendent fortement des importations de produits pharmaceutiques en général et des vaccins en particulier. Cette situation a des implications économiques désastreuses liées à l’utilisation de devises fortes, aux opportunités manquées en termes de développement économique et de création d’emplois et de richesse, mais également sur la pérennité des programmes de santé.
À ce jour, seulement 2 % environ de la vaccination mondiale contre la Covid-19 a eu lieu en Afrique.
Le nationalisme de la plupart des pays développés qui se sont appropriés la grande majorité des vaccins est un autre signal d’alarme pour l’accélération de la production locale en Afrique. La nécessité d’un nouvel ordre sanitaire mondial qui favorise la fabrication de vaccins et autres produits pharmaceutiques en Afrique, la bonne préparation aux épidémies et le renforcement des systèmes de santé pour mieux répondre aux besoins des populations, doivent être une priorité absolue.
Le lancement de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) et d’autres efforts d’harmonisation telles que l’Agence Africaine du Médicament (AMA) et d’autres organisations régionales sont d’une importance stratégique et créent un environnement plus solide pour l’investissement.
Nous saluons ainsi le leadership, au plus haut niveau, des pays comme le Sénégal et les efforts soutenus de l’Union africaine et du CDC Afrique qui continuent à travailler avec toutes les parties prenantes pour identifier les possibles actions phares, la levée des brevets, les besoins de financement et les délais pour produire des vaccins de manière compétitive en Afrique.
Seule l’union et la collaboration à l’échelle du continent et les initiatives de solidarité internationales comme le COVAX co-dirigé par l’Alliance GAVI, la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI) et l’OMS, nous permettront, à nous Africains, de sortir de cette pandémie, d’être prêts à affronter d’autres défis. Dans ce monde globalisé où le concept de One Health, une seule santé, prend toute son importance, personne ne sera en sécurité tant qu’il y en aura qui ne le seront pas.
Par Prof. Awa Marie Coll Seck, Ministre d’État auprès du Président de la République du Sénégal et Présidente du Comité Scientifique du Forum Galien Afrique
*Dans le cadre de l’initiative « Voix africaines de la science », lancée par Speak Up Africa, cette contribution est une exhorte à la communauté scientifique sénégalaise et africaine, et un rappel aux opinions publiques que, dans un contexte de défiance alimentée par les théories alternatives, la science est le seul remède contre la Covid-19.
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