Mettre au monde un enfant différent des autres, ou ayant un handicap, est une lourde épreuve qu’il est souvent difficile de surmonter. Nous mesurons souvent l’ampleur de la situation que lorsque nous y sommes confrontés car dans notre subconscient cela n’arrive qu’aux autres. Le constat de la particularité de son enfant engendre beaucoup de controverses, questionnements, bouleversements…pour un parent. Ce dernier est désorienté et ne sait pas comment s’y prendre pour aider et accompagner son enfant à s’épanouir dans la vie de tous les jours et dans la société. Cette prise en charge demeure un exercice difficile au Sénégal car nous manquons énormément de dispositifs et de ressources pour l’encadrement thérapeutique et l’éducation d’un enfant différent.
Il faut peut-être rappeler qu’un enfant différent est celui qui n’est pas neurotypique (normal) et présente des signes d’handicap majeurs.
Nous allons, cependant, axer notre analyse sur la prise en charge d’un enfant qui souffre des Troubles du Spectre Autistique (TSA) au Sénégal. Cette pathologie est caractérisée par des troubles du comportement, un déficit en communication et une faiblesse dans les interactions sociales. Les contraintes auxquelles les parents d’enfants autistes font face sont nombreuses et se déclinent comme suit :
Difficultés dans la prononciation du diagnostic
Aujourd’hui, l’accès à l’information permet à beaucoup de parents de détecter de façon précoce les symptômes de la pathologie chez leurs enfants, mais ces derniers ont énormément de difficultés à obtenir un diagnostic d’un spécialiste ou pédopsychiatre.
Car avoir une confirmation de la situation de leurs enfants, grâce à ce diagnostic, est une étape préalable et primordiale pour leur prise en charge. Toutefois, nous constatons qu’après plusieurs analyses médicales comme entre autres les tests sur l’audition, l’encéphalogramme (ECG) et autres tests sur les comportements de l’enfant, les médecins spécialistes en pédopsychiatre sont réticents à poser un diagnostic clair.
Ainsi, nombreux sont les parents qui manifestent leur désemparement face à une telle incertitude. Car une confirmation ou infirmation de la condition de leur protégé permet aux parents d’être édifiés pour pouvoir prendre en charge et mieux accompagner leur enfant.
Un nombre limité de médecins spécialistes notamment en pédopsychiatrie
Les enfants autistes sont suivis généralement par des médecins spécialisés en pédopsychiatrie et en neuropédiatrie. Mais force est de constater que ce corps médical est très restreint au Sénégal. En effet, on ne dénombre pas plus de trois (3) pédopsychiatres sur toute l’étendue du territoire sénégalais et trois (3) centres de pédopsychiatrie localisés dans les hôpitaux de Fann, Diamniadio et Thiaroye.
o Un manque criard de paramédicaux (orthophoniste, ergothérapeute, psychomotricien, psychologue….)
La prise en charge médicale des enfants passe également par les soins des paramédicaux qui jouent un rôle majeur dans le dispositif d’accompagnement. Malheureusement, ils ne sont pas nombreux et ce sont souvent des étrangers qui offrent ces services. On ne saurait avancer de chiffres exacts quant à leur nombre mais ils ne font pas une dizaine par corps de métier. En tout cas, pour l’ergothérapie un (1) médecin sénégalais exerce dans la région de Dakar.
Déficit d’écoles spécialisées
La prise en charge scolaire des enfants autistes est une difficulté majeure pour les parents. Non seulement, le dispositif scolaire est insuffisant au regard de la population autiste mais les écoles qui se disent spécialisées sont confrontées à une insuffisance de personnel qualifié à même d’accompagner les enfants. Très souvent, ce sont un (1) ou deux (2) éducateur(s) spécialisé(s) qui pilote (nt) la structure et le reste de l’équipe pédagogique n’a pas le niveau de compétences requis. Le problème de formation se pose donc avec acuité dans ces structures. En sus de cela, certaines écoles sensibles à la situation des enfants autistes tentent de les intégrer en mettant en place un système d’éducation inclusive mais font face à des difficultés faute de personnel qualifié. Une autre contrainte de ces écoles est liée au fait qu’elles ne bénéficient pas de l’encadrement qu’il faut du ministère de l’Education car tout simplement les inspecteurs de l’éducation ne sont pas assez outillés pour les évaluer et les orienter.
Préjugés sociaux
Il y a énormément de préjugés autour de la condition des enfants autistes. Ils sont souvent stigmatisés et peinent à s’intégrer dans la société. Et les parents sont sujets à des critiques ou moqueries quant aux comportements de leurs enfants. Ce qui peut d’ailleurs fragiliser leur état psychologique les plongeant ainsi dans un état dépressif et de repli sur eux-mêmes. Et ceux qui n’acceptent pas la condition de leur enfant se réfugient dans un déni total. En fait, dans notre société sénégalaise, les sources de la pathologie de l’autisme sont souvent attribuées à des causes surnaturelles. Ce qui fait que les parents que nous sommes sont parfois victimes d’un engrenage mystique sans fin. Raison pour laquelle, également, les parents tardent à faire diagnostiquer leurs enfants sur le plan médical.
Coût de la prise en charge
L’accompagnement d’un enfant autiste mobilise beaucoup de ressources financières de la part des parents à tous les niveaux médical et scolaire. Les soins médicaux et paramédicaux dans le privé coûtent chers car le coût d’une prestation avoisine en moyenne vingt mille francs CFA (20 000 FCFA) l’heure. En sus de cela, le coût de la scolarité dans les écoles spécialisées reste inaccessible pour la majorité des parents. En effet, les frais tournent en moyenne entre soixante mille francs CFA (60 000 FCFA) et trois cent cinquante mille francs CFA (350 000 FCFA). Il faut également mentionner que les coûts médicaux dans les hôpitaux publics sont largement plus accessibles mais les médecins sont submergés et les listes d’attente très longues pour les rendez- vous. Ce qui fait que les enfants ne peuvent pas bénéficier d’un suivi rapproché et régulier dans le public.
Au regard de la situation actuelle d’un enfant autiste au Sénégal, plusieurs mesures s’imposent pour améliorer la prise en charge des enfants. Les contraintes sont nombreuses, le désemparement des parents est énorme. Les enfants ne devraient pas être laissés en rade du système éducatif car ils ont le droit à l’éducation au même titre que les enfants neurotypiques. D’ailleurs, le Sénégal a ratifié toutes les conventions relatives aux Droits à l’Education des enfants. Nous proposons dans les lignes qui suivent quelques esquisses de solutions :
• Un diagnostic de la situation des enfants différents ou handicapés au Sénégal notamment les autistes qui permettrait de recenser les enfants, de dénombrer le corps médical et paramédical, lister les structures scolaires et apprécier les besoins à satisfaire pour un meilleur accompagnement.
• Inciter les étudiants en médecine à s’investir dans le domaine de la pédopsychiatrie
• Créer des structures de formation qui prendraient en charge l’enseignement des paramédicaux (orthophonie, psychomotricité, ergothérapie……………….) en partenariat avec des écoles étrangères plus expérimentées dans ce domaine.
• Encadrer et accompagner les écoles spécialisées et ce, en renforçant les capacités des inspecteurs de l’éducation du ministère dédié.
• Renforcer les structures d’accueil, les centres de pédopsychiatrie en termes d’infrastructures et de personnel qualifié
• Inciter les scientifiques à s’investir dans la recherche sur la pathologie de l’autisme.
* Par Aïssatou Diallo Camara Maman de 2 garçons autistes aichadc@gmail.com