L’Université de Makerere, en Ouganda et l’Université de Dakar, au Sénégal ont été choisies pour accueillir le projet Digital Payments. Le professeur Adama Faye, directeur de l’Institut de santé et développement (Ised), est le coordonnateur du projet au niveau de l’Ucad. Cette solution de paiements numériques est un investissement financé par la Fondation Bill et Melinda Gates afin de catalyser la création de preuves sur la valeur ajoutée des paiements numérisés des travailleurs de la santé sur la qualité de la vaccination et d’autres campagnes de santé.
Pouvez-vous dans ses grandes lignes nous expliquer les tenants et les aboutissants de ce projet ?
Je pense que ce projet est innovant de part la thématique que nous allons explorer, c’est-à-dire le paiement numérique dans le secteur de la Santé. Nous allons renforcer les capacités, mais surtout développer la Recherche en offrant plusieurs « grounds » ou plus clairement des financements. Nous savons que dans nos pays africains, le financement de la Recherche pose problème. Les acteurs de la Santé et surtout ceux qui sont dans les milieux les plus reculés en zone rurale, rencontrent souvent des difficultés pour percevoir leur salaires en particulier lorsqu’ils sont en campagne de vaccination ou de stratégie avancée. Ceci peut avoir un impact sur leur performance, donc l’idée c’est d’arriver à payer ces prestataires là où ils se trouvent à travers les différentes technologies de l’information et de la communication. Avant d’arriver à cette finalité, nous voulons faire ce qu’on appelle une analyse de situation, à savoir qu’est-ce qui existe en la matière dans nos pays, aussi bien francophone qu’anglophone. Ce projet a donc été confié à deux universités : l’Université de Makerere à Kampala en Ouganda qui s’occupe de la partie anglophone et l’Université Cheikh Anta Diop pour celle francophone. Donc pendant 32 mois, nous allons effectuer la recherche dans ce domaine et essayer de produire des évidences que les autorités pourront utiliser. Ce projet est financé par la Fondation Bill et Melinda Gates qui travaille beaucoup sur la vaccination, mais aussi sur d’autres problèmes de santé auxquels sont confrontés les populations au sud du Sahara.
Comment expliquez-vous le choix porté sur ces deux universités pour être les catalyseurs de ce projet ?
Je pense que parmi les principaux critères retenus, réside le besoin d’avoir des universités « leaders » dans ce domaine, mais aussi sur le plan continental. Naturellement donc, le choix s’est porté sur ces deux universités qui devront mobiliser, organiser les activités prévues. Il me semble que c’est un choix judicieux qui pourra permettre d’avoir des résultats probants dans le cadre de ce projet.
Pourquoi au sein de l’Ucad (Université Cheikh Anta Diop de Dakar), c’est l’Ised à travers votre personne qui a la charge de coordonner le projet ?
L’Ised est un institut de santé publique qui un rayonnement sous-régional et je dirais même régional. Nous sommes « leader » en Afrique francophone et ce n’est pas la première fois que nous sommes choisis pour mener ce genre d’activités. Il faut dire qu’en 2020, un appel à candidature avait été lancé et l’Ised avait été choisi pour être un centre de référence de TDR/OMS. C’est-à-dire organiser tout ce qui est formation, recherche de la mise en oeuvre pour les pays francophones. Au vu des résultats enregistrés, il me semble normal de nous faire confiance à nouveau pour mener ce nouveau projet.
Comment va s’articuler ce projet avec les opérateurs bancaires déjà rompus au paiement numérique, un secteur en plein essor qui compte de multiples acteurs sur le marché africain ?
Dans un premier temps, nous allons faire l’analyse de contexte et dans six mois nous allons voir qu’en est-il du paiement numérique dans les pays en Afrique au sud du Sahara et particulièrement dans le secteur de la Santé. Nous avons déjà des consultants et un travail sera fait en profondeur dans 4 pays de chaque sphère linguistique. Pendant ces six mois, nous allons explorer, faire des entretiens individuels et des focus groupe, donc nous entretenir avec les acteurs-clés qui sont au niveau des ministères de la Santé, de l’Economie et des Télécommunications. Mais, nous avons déjà une idée de ce qui se fait dans les pays et nous allons faire une revue systématique de cela. Toutes ces informations que nous allons glaner vont nous permettre de voir quelles sont les défis majeurs et les problèmes auxquels sont confrontés les pays : ce qui se fait ou qui n’existe pas. A travers cela, nous allons définir des champs de recherche qui seront multidisciplinaire et constituer un comité de pilotage international et national. Dans ce derniers, nous aurons des représentants des trois ministères cités. On reproche souvent aux chercheurs d’arriver à des évidences scientifiques sans pour autant qu’elles soient mises en pratique. Donc, en impliquant dès le début les ministères concernés nous pensons chemin faisant à travers un transfert de connaissances que tout ce que nous allons trouver comme évidence seront mises à disposition. Nous pensons que durant les 32 prochains mois nous allons impulser la recherche sur le paiement numérique dans le secteur de la Santé, produire des évidences et faire de telles sortes que ces évidences soient utilisées par les pays africains pour améliorer les performances des personnels de santé et in fine, la santé des populations.
Propos recueillis par Bastien DAVID