Dans la lutte contre la pandémie de COVID-19, la communication gouvernementale fait souvent abstraction du fait que la propagation du virus est favorisée par 2 facteurs: le dépistage restrictif occultant les cas asymptomatiques et les lenteurs notées dans son exécution, à l’origine de nombreuses contaminations secondaires. La situation est grave, encore pire que l’aperçu tronqué que peuvent en donner les points de presse quotidiens du ministère en charge de la santé.
Certes, les retards de consultation de la part des patients COVID sont avérés et sont à mettre sur le compte des difficultés habituelles d’accès aux soins et de la forte stigmatisation, qui entoure les patients souffrant de COVID-19.
Mais qu’est ce qui explique les lenteurs de publication des résultats des tests déjà effectués ? Et combien de cas confirmés, des patients symptomatiques et donc très contagieux, susceptibles de s’aggraver à tout moment, doivent-ils attendre à la maison avant de bénéficier d’une prise en charge ?
La mise en place annoncée des tests de diagnostic rapide (TDR), bien que tardive, devrait aider à atténuer tous ces dysfonctionnements et à rendre la lutte anti-COVID plus efficace.
En effet, les stratégies mises en œuvre jusque-là se résument à une communication agressive et peu efficiente et à la culpabilisation des citoyens accusés d’incivisme, pour non-respect de mesures barrière, vu comme pilier central de la prévention de la COVID-19.
Il est cependant difficile d’ignorer le fait que, sous nos contrées, plus que partout ailleurs, de multiples obstacles entravent une compliance optimale de nos populations avec les mesures préventives édictées par les autorités sanitaires. Il s’agit de pesanteurs culturelles (superstition, fatalisme, divers tabous …), de la prédominance du secteur informel dans notre économie avec son lot de précarité et d’une surpopulation dans les grandes agglomérations urbaines favorisant la promiscuité dans les maisons, les transports, les marchés, les écoles… Ce sont là autant de contraintes, découlant de politiques publiques mal conduites, qui ne sont pas près d’être levées.
Devant le constat de l’inefficacité de la riposte, il s’agit de revenir aux orientations initiales de l’OMS, dans lesquelles l’identification et le dépistage actifs des cas, ainsi que la recherche des contacts sont fortement recommandés dans tous les scénarios de transmission.
Certains secteurs de la société civile, comme la Coalition pour la Santé et l’Action Sociale (COSAS) ne cessent d’appeler, depuis le début, à revoir la politique de dépistage, bien trop restrictive et médicalisée, pour pouvoir contrôler la pandémie, car ne ciblant que les sujets symptomatiques et porteurs de comorbidités.
Pourtant, l’accélération de la circulation du coronavirus devrait amener les autorités à faire un large usage des tests de dépistage pour briser les chaînes de transmission, endiguer la pandémie, le plus vite possible et mesurer scientifiquement l’impact de nos interventions. Il est indispensable de tester le plus grand nombre de personnes possible et surtout de disposer très rapidement des résultats, pour minorer les risques de propagation.
Avant nous faire miroiter une stratégie nationale pour une lointaine campagne de vaccination, le gouvernement ferait mieux d’enrayer la progression de la pandémie en élaborant des directives claires pour une politique intelligente de dépistage.
Il s’agira de combiner différentes variétés de tests pour pouvoir identifier trois catégories d’individus :
Les individus non infectés, ne présentant ni virus ni réponse immunitaire et qui sont donc susceptibles d’être infectés dans le futur,
Les individus infectés, positifs pour le virus, qui peuvent disséminer l’infection et doivent donc être isolés et
Enfin les individus qui ne sont plus infectés et disposent d’anticorps contre le virus, pouvant servir dans la prise en charge des groupes vulnérables.
La palette de tests disponibles s’est considérablement élargie, ces derniers mois. Ils peuvent être rangés en 3 catégories : sérologiques, d’amplification des acides nucléiques (TAAN) et antigéniques.
Premièrement, les tests sérologiques qui détectent la réponse immunitaire contre le virus, sur lesquels, nous ne nous attarderons pas décèlent les anticorps produits en réponse à l’infection, contre les protéines du virus. Ensuite, les tests d’amplification des acides nucléiques détectent le matériel génétique du virus, dont le plus connu est la réaction de RT-PCR (reverse transcriptase-polymerase chain reaction), communément appelée dans les médias test PCR, qui constitue la référence. C’est une technique permettant de prélever des cellules nasales profondes à l’aide d’un écouvillon. Ce test fut le premier disponible pour diagnostiquer le SARS-CoV-2, ayant pu être rapidement développé sur base de la séquence du virus. Le résultat du test est, en général, disponible vingt-quatre heures après le prélèvement. On mesure tout le chemin qu’il nous reste à parcourir, quand on sait que certains pays européens arrivent actuellement à réaliser jusqu’à 700.000 tests chaque semaine contre moins de 20.000 dans nos différents laboratoires.
Et enfin, les tests antigéniques dits de diagnostic rapide (TDR), faciles à utiliser, peuvent être réalisés sans passer par un laboratoire, directement sur le terrain (tests POC) et permettent la détection des protéines du virus chez un individu en quelques minutes.
Même s’ils sont moins sensibles que le test PCR, ils offrent la possibilité́ d’élargir l’accès aux tests et de réduire les délais de diagnostic en permettant un dépistage décentralisé́ des patients qui présentent des symptômes précoces.
Un prélèvement est réalisé dans les cavités nasales, comme pour le test RT-PCR. La présence des protéines virales est mise en évidence à l’aide d’anticorps spécifiques, permettant une réaction colorimétrique sur une languette, comme pour un test de grossesse.
Ces tests peuvent contribuer significativement au contrôle de la pandémie de COVID-19, car ils sont particulièrement performants chez les patients les plus contagieux, c’est à dire ceux ayant une charge virale élevée dans la phase pré́-symptomatique (1 à 3 jours avant l’apparition des symptômes) et dans la phase symptomatique précoce (pendant les 5 à 7 premiers jours de la maladie). Ils permettent d’établir un diagnostic précoce et d’interrompre rapidement la transmission grâce à un isolement ciblé et un regroupement des cas les plus infectieux et de leurs contacts proches.
Ces tests sont d’un grand intérêt parmi les groupes à risque (travailleurs de la santé), dans les zones enclavées (rurales ou suburbaines), où l’accès aux soins et donc au PCR est problématique ou pour préciser le niveau d’extension d’un foyer.
Mais c’est dans les zones où la transmission communautaire est répandue, qu’ils sont le plus utiles.
En effet l’implication des communautés dans le dépistage des cas facilitera la co-construction de la riposte pour la rendre plus efficace. La décentralisation du dépistage permettra également d’identifier les cas positifs et les contacts, de les isoler, afin de pouvoir les prendre en charge, le cas échéant, soit à domicile ou dans des espaces communautaires dédiés, s’ils ne présentent aucun signe de gravité. Cela permettra d’assécher le flux de cas graves, qui est en train de submerger notre système sanitaire sous-financé et mal équipé, déjà très éprouvé par la première vague.
Dr Mohamed Lamine LY
Spécialiste en santé publique