Pour avoir annoncé depuis Kédougou, à l’occasion de l’inauguration de l’hôpital de niveau 2 de localité, sa décision de faire respecter la disposition fixant les médecins à leurs postes en région pour au moins 5 ans avant de pouvoir bénéficier d’une nouvelle affectation, le président de la République s’est attiré les foudres des professionnels de la santé. Lesquels parlent d’un effet d’annonce fait par le président Sall qui serait en « campagne déguisée » pour les prochaines locales. Les médecins interrogés sur le sujet considèrent que le problème persistera tant qu’on ne règlera pas la problématique de la « gouvernance des ressources humaines » liée à leur affectation en régions. Ils proposent d’ailleurs le modèle du ministère de l’Education nationale relatif au mouvement annuel des enseignants.
ésormais, les médecins recrutés serviront pendant au moins cinq ans dans les régions avant de pouvoir bénéficier d’une affection en ville où dans les régions proches. La décision a été annoncée par le chef de l’Etat lors de l’inauguration de l’hôpital Amath Dansokho de Kédougou. Le Président a d’ailleurs instruit le ministre de Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, de faire respecter cette « nouvelle » disposition. Que des médecins voient d’un autre œil et qu’ils considèrent comme un « effet d’annonce ».
Pis, selon eux, le chef de l’Etat ferait une campagne déguisée en préparation des locales de janvier prochain. C’est en particulier l’avis des Docteurs Ismaïla Ndour et Serigne Shérif Fall. « Il est en campagne déguisée. Il en profite d’ailleurs pour essayer de mettre les médecins en mal avec la population à laquelle il veut faire croire que ce sont ces derniers qui refusent d’être affectés dans les régions. Or c’est faux », a martelé Dr Fall qui pense que le chef de l’Etat, avec cette nouvelle mesure, va plutôt procéder à la réduction de la durée de service effectuée par un médecin à son poste de travail.
Parce que, dit-il, « avant, quand on t’affectait dans une région enclavée, tu te disais que tu allais y servir au moins pendant 10 ans avant de revenir à Dakar, à Thiès ou à Saint Louis. Mais lui, il est venu réduire la durée de ce séjour ». Pour ce médecin aux positions radicales, le problème se trouve ailleurs c’est-à-dire dans la régularisation de la situation de centaines de médecins. « Il y a des collègues contractuels qui attendent encore que leur situation soit régularisée, et des centaines d’autres attendent aussi d’être embauchés. Qu’ils soient recrutés et affectés est leur seul souhait. Le lieu de l’affection étant le cadet de leur souci, ils sont prêts à servir dans n’importe quelle localité du pays ».
En dénonçant la situation de ces médecins, Dr Serigne Shérif Fall a aussi profité de l’occasion pour attirer l’attention du président Sall sur le cas de certains professionnels de la santé qui ont déjà servi pendant plus de 10 ans dans les régions, et qui peinent à être affectés. C’est le même constat du côté du médecin-légiste, Dr Amadou Sow, qui reconnait certes que « les médecins doivent être disponibles partout où le besoin se fait sentir », mais qui se scandalise du fait que beaucoup de médecins « moisissent et se carbonisent » en région.
« A entendre le président parler, c’est comme si il n’y avait pas des médecins dans les régions. Là où il s’était rendu à Kaffrine ou à Kédougou, il y a des médecins qui y ont peut-être duré plus d’une dizaine d’années. Même dans les localités les plus reculées du pays, on y trouve des médecins. Au moment où le président tient ce discours, des collègues ne demandent qu’à être recrutés et affectés. Ils n’ont pas de recrutement. En lieu et place, on privilégie d’autres personnes. A côté de ces médecins, il y a d’autres qui n’iront jamais dans les régions », déclare la blouse blanche.
Avant de poursuivre: « Ce qu’il faut comprendre de deux manières. Il y a ceux qui n’iront pas, parce que c’est leur choix, ils ont choisi de rester à Dakar parce qu’ils n’ont signé aucun engagement qui pourrait les obliger à aller en région. Il y a d’autres qui n’iront jamais en région par le simple jeu d’accointance ou de proximité qu’ils ont avec l’autorité politique ou l’autorité qui a la décision d’affecter ou de ne pas affecter. On va les recruter et les laisser à Dakar, alors qu’il y a leurs anciens, des spécialistes sous contrat, donc qui ne sont pas recrutés, qui sont dans des régions éloignées avec des conditions de travail assez difficiles ».
Pour dire que « ce ne sont pas les médecins qui sont responsables de leurs affectations », a renchéri notre consultant en santé, Dr El Hadj Ndiaye Diop de l’hôpital Ndamatou de Touba qui rappelle au président Sall que c’est le ministre de tutelle qui signe toutes les affectations. Mieux encore, c’est lui qui fait revenir les médecins à Dakar. « Aucun médecin de la fonction publique ne décide de son affectation. Le problème, c’est les autorités et leurs services. Donc, il n’y a pas débat », estime Dr Diop.
A l’en croire, « rien n’empêche le ministère de la Santé de faire comme le ministère de l’Education nationale pour les mouvements annuels ». Le médecin légiste, Dr Sow, demeure convaincu que tant qu’on ne mettra pas en place ce qu’il appelle une « gouvernance démocratique des ressources humaines », le problème restera toujours entier, rapporte Le Témoin.
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